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« Nniɣ-am nniɣ-am » : avec Le Tac, la musique devient plaidoyer kabyle et miroir social
Avec « Nniɣ-am nniɣ-am », Le Tac Nigham signe un clip coup-de-poing, où la langue kabyle devient à la fois cri du cœur, outil de mémoire et vecteur d’émancipation. Derrière ce récit conjugal dramatique, c’est toute une mémoire générationnelle qui refait surface – celle de nos parents dans les années 70, quand le poids du silence étouffait les douleurs du couple. Aujourd’hui, la parole se libère, portée par la musique et par une langue kabyle plus vivante que jamais.
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La kabyle au cœur de la création
Chanté intégralement en tamazight, « Nniɣ-am nniɣ-am » n’est pas une simple chanson. C’est une œuvre construite sur la richesse linguistique et poétique du kabyle. Le texte frappe par sa sincérité, sa musicalité, et son usage d’expressions populaires fortes, parfois dures, mais toujours ancrées dans le réel.
« Ɣur-i tkeffu-d awal, Ɣur-k amzun ur ḍrant »
« Finit toujours par avoir le dernier mot avec moi, à tes yeux, cela n’est en rien important »
La langue n’est ni folklorisée ni édulcorée : elle est brute, expressive, mordante. Grâce à cette approche, le clip devient aussi un outil d’apprentissage linguistique, accessible, vivant et engageant.
Une tragédie conjugale mise en scène
Le récit s’articule autour d’un homme au bord de la rupture. Humilié, désabusé, il confie son mal-être dans une relation devenue toxique. La figure de l’épouse est dépeinte avec virulence, comme une source de conflit permanent, de souffrance psychologique et de déséquilibre familial. On évoque même les pratiques de sorcellerie – leḥruz – auxquelles elle aurait recours.
Cette mise en récit va bien au-delà de la simple dénonciation personnelle : elle résonne comme une allégorie sociale, un miroir de nombreux couples confrontés à la destruction silencieuse, dans un cadre traditionnel où le divorce reste mal vu.
Le pont de la chanson résume cette libération :
« Timlilit ɣer juge de paix… Dinna ad nebḍu »
« Nos retrouvailles se feront au bureau du juge. C’est là que tout commencera. »
Une mémoire générationnelle, de l’ombre à la lumière
Ce cri n’est pas seulement celui d’un homme d’aujourd’hui. Il évoque, en filigrane, le vécu de toute une génération : celle de nos parents, mariés parfois très jeunes, souvent sans amour, pris dans des rapports de force où les émotions n’avaient pas de place.
Dans les années 70, dans la Kabylie rurale ou émigrée, les conflits conjugaux se taisaient. Les douleurs restaient enfermées dans les murs. Le divorce, bien qu’existant, était entouré de honte. Avec « Nniɣ-am nniɣ-am », cette mémoire s’ouvre, se verbalise, se chante.
La chanson comme outil social et pédagogique
En abordant des sujets sensibles avec une langue forte, le groupe Le Tac Nigham fait bien plus que divertir : il éduque, décomplexe et valorise. Cette chanson est un acte d’engagement, un outil pédagogique pour les enseignants de tamazight, et un média de sensibilisation aux enjeux de la vie conjugale en société kabyle.
Elle permet aussi de renverser certains clichés : ici, c’est l’homme qui souffre, qui appelle à l’aide, qui s’émancipe. La chanson ne tombe pas dans la misogynie mais décrit un cas particulier avec réalisme, tout en ouvrant le débat.
« Nniɣ-am nniɣ-am » est une œuvre complète, à la croisée du plaidoyer linguistique, de la chronique sociale et de la libération individuelle. Le Tac Nigham y démontre que la musique en kabyle peut être actuelle, engagée, et profondément utile. Une chanson à écouter, à étudier… et à méditer.
🎧 Fiche technique du clip « Nniɣ-am nniɣ-am »
- Paroles & Musique : Yazid Sadat
- Arrangements : Lyes Haddad, Le Tac, M’henna Megueni
- Mix & Mastering : Lyes Haddad
- Guitare / Guitare électrique : M’henna Megueni
- Basse : Salim Mekzine
- Bendirs : Hakim Dib, Samir Kiba
- Chœurs : Le Tac, M’henna Megueni
- Voix enfant : Masten Leham
- Figurante : Nunchaku
- Stylisme : Le Tac
- Scénario : Le Tac & M’henna Megueni
- Réalisation : Mouloud Zidane
- Sponsorisé par : Essaid L.
Remerciements :
La Mentale & Benz – Sousou Sage – Lamia Moualek – Mouloud Zidane – Celia Famille Futuriste – Brasserie Mademoiselle
Texte original en kabyle
Refrain
Nniɣ-am nniɣ-am
Ezzi d waḍu ikem-id-yebbin
Yid-m ur d-yegri uxxam
A taneggarut n tlawin
Uh ay aḍeggal, yell-ik tabuciṭant
Ɣur-i tkeffu-d awal
Ɣur-k amzun ur ḍrant
Atta-yen ɣur-k an tuɣal
Ma d nekk deg qaṛṛu-w frant
Couplet 1
Ɣef uqerruy-iw tesderduz
Ɣef yemma terfed anzaren
Sbaḥ meddi tekkat s rkuz
Tnebbec wid itt-yifen
Ɣef uqerruy-iw tesderduz
Ɣef yemma terfed anzaren
Sbaḥ meddi tekkat s rkuz
Tnebbec wid itt-yifen
Nnan-iyi tekcem leḥruz
Lecyax ur teǧǧi yiwen
Ziɣ terheǧ-iyi s leḥruz
Lecyax ur tezgil yiwen
Refrain
(reprise du refrain précédent)
Couplet 2
D ass amcum asmi itt-uɣeɣ
Yeɣli-d yigenni fell-i
Ad iberrek ma ad neṭqeɣ
Ad iyi-d-terr s ccah yehwa-yi
D ass amcum asmi itt-uɣeɣ
Yeɣli-d yigenni fell-i
Ad iberrek ma ad neṭqeɣ
Ad iyi-d-terr s ccah yehwa-yi
Tura agejdur ad t-wteɣ
Ass-d ay aḥnin sellek-iyi
Tura agejdur ad t-wteɣ
Ass-d ay aḥnin sellek-iyi
Pont
Ezzi d waḍu, ezzi d waḍu
Timlilit ɣer juj d bi (juge de paix)
Dinna ad nebḍu dinna ad nebḍu
Win yebɣun ad kem-yawi
A yir meṭṭu, a yir meṭṭu
A nekki ikem-yuɣen, wwiɣ deɛwessu
Couplet 3
A yetma kuferraɣ a bbuh
Mačči drus id-iyi-yuɣen
Tin i uɣeɣ tfuh tfuh
Tessemɣi-d ɣur-i acciwen
A yetma kuferraɣ a bbuh
Mačči drus id-iyi-yuɣen
Tin i uɣeɣ tfuh tfuh
Tessemɣi-d ɣur-i acciwen
Mačči alamma nenna-d muh
Rfed lqec-im dayen
Mačči alamma nenna-d muh
Rfed lqec-im dayen
Refrain final
Nniɣ-am nniɣ-am
Ezzi d waḍu ikem-id-yebbin
Yid-m ur d-yegri uxxam
A taneggarut n tlawin
Uh ay aḍeggal, yell-ik tabuciṭant
Ɣur-i tkeffu-d awal
Ɣur-k amzun ur ḍrant
Atta-yen ɣur-k an tuɣal
Ma d nekk deg qaṛṛu-w frant
Traduction française intégrale
Refrain
Je te le dis et je te le redis
Que le vent t’emporte loin
Il n’y a plus rien à faire ensemble
Toi, la plus médiocre des femmes
Ô cher beau-père, ta fille est une tempête
Elle finit toujours par avoir le dernier mot
À tes yeux, cela n’a aucune importance
Elle est sur le chemin du retour chez toi
Tout est clair désormais dans ma tête
Couplet 1
Elle me prend trop la tête
Elle est hautaine envers ma mère
Du matin au soir, elle lance des pics
Elle agace les braves gens
On m’apprend qu’elle recourt à l’ensorcellement
Elle tape à toutes les portes des cheikhs
Elle m’a bien empoisonné
Elle a fait le tour de tous les marabouts
Refrain (identique)
Couplet 2
Maudit soit le jour où je lui ai donné mon nom
Le ciel m’est tombé sur la tête
Et quand j’ose protester
Elle me renvoie balader
Ma situation est critique
Je crie « Au secours »
Ami compatissant, viens me sauver
Viens me tirer de là
Pont
Que le vent t’emporte loin
Nos retrouvailles se feront chez le juge de paix
C’est là que notre histoire s’achèvera
Libre à qui veut de te prendre
Ô malheur que tu es !
Moi, c’est toi qui m’as choisi…
Et moi, je suis maudit
Couplet 3
Mes frères, si je crie aujourd’hui
C’est que ce que je vis n’a rien d’ordinaire
Cette femme est répugnante
Elle me prend pour cible
Elle m’agresse verbalement
Prends tes affaires et quitte la maison
Ce n’est que lorsqu’on dira « assez ! »
Que tu partiras définitivement
