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Domi Bergougnoux : La poésie est mon pays d’origine
Poète et chanteuse, Domi Bergougnoux revient dans cette interview pour nous parler de son lien avec la poésie et la chanson.
Bonjour Madame Domi Bergougnoux, nous sommes ravis de vous interviewer sur Kabyle.com ! Qui êtes-vous Domi Bergougnoux?
La réincarnation d’un chat ? j’ai eu au moins sept vies…
J’ai exercé de nombreux métiers : visiteuse médicale, hôtesse de l’air, chargée de communication, professeur de Lettres, documentaliste, orthophoniste…
Je suis passionnée par le langage et les arts.
J’ai besoin de la nature, je suis fascinée par les oiseaux et l’océan.
La gentillesse, qui passe pour une faiblesse, c’est pour moi une valeur essentielle que je cultive et revendique.
Comment êtes-vous arrivée à la poésie ?
Il me semble avoir toujours lu et écrit de la poésie. Comme Obélix, je suis tombée dedans quand j’étais petite. C’est ma potion magique à moi.
Dès l’enfance, j’ai dévalisé le rayon poésie de ma bibliothèque municipale, des poètes francophones aux poètes étrangers traduits en français.
La poésie est mon pays d’origine.
Comment vous définissez le poète ?
Le poète est celui qui fait entendre sa voix, qui sort des sentiers battus, qui va au-delà des apparences, qui enchante le monde.
C’est aussi un artisan de la langue.
Votre poésie fait résonner le cri d’une mère en détresse. Dans votre poème intitulé ‘exit’ extrait de votre recueil ” Où sont les pas dansants ?” , vous dites:
“Mes pas s’enfoncent entre les pavés
Si lourds si lourds
Mon cœur de mère lesté de pierres”
La poésie soulage-t-elle le désespoir?
Oui la poésie m’a permis de transformer l’épreuve de la maladie psychique de mon fils.
J’ai recommencé à écrire pendant sa première longue hospitalisation pour survivre. Et c’est comme si les poèmes que j’avais écrit à cette époque donnaient un sens à ce qui ne peut en avoir : comment une mère peut-elle accepter la souffrance de son enfant ?
En faire un recueil a permis d’apaiser cette douleur. J’ai essayé d’extraire de la beauté de cette période sombre. C’était aussi une façon de redonner la parole à mon fils qui en avait perdu l’usage, et de partager avec d’autres ce qui est rarement dit sur l’enfermement.
Dans votre dernier recueil ” La chanson à deux bouches” paru aux éditions du Cygne, vous exprimez votre féminité, votre lien avec la sexualité. La poésie sublime t-elle ce lien complexe que l’humain a avec le corps et la sexualité ?
Absolument. Je ressens une dimension presque mystique dans l’acte amoureux. On part à la rencontre de l’autre, d’ailleurs on dit « faire l’amour » c’est comme une forme de création.
De toute façon, je ne m’interdis rien dans ma poésie. J’ai abordé l’amour maternel et le sujet tabou de la maladie mentale, ici je parle d’une autre forme d’amour, de désir et de sexualité féminine.
On interdit aux femmes afghanes par exemple, d’étudier, de chanter, de parler et donc nous avons, nous, femmes libres, le devoir de nous exprimer, y compris sur notre féminité.
De nos jours, est-ce que la poésie peut influencer le monde ?
Plus que jamais dans ce monde, je veux croire à la force presque magique de la poésie. À son pouvoir de résistance.
Je n’oublie pas que dans les pays où règne la dictature, les poètes sont les premiers à être emprisonnés ou empêchés de s’exprimer. (Garcia Llorca fusillé par les franquistes, Robert Desnos mort dans un camp de concentration, Ossip Mandelstam assassiné par le régime de Staline…)
Quels sont les poètes qui influencent votre écriture poétique?
Il y en a tant, je suis nourrie de lectures de poètes francophones comme de poètes étrangers traduits depuis mon adolescence …. Eluard, Rimbaud, Baudelaire, Saint-John Perse, Nazim Hikmet, Garcia Lorca, Neruda, René Guy Cadou, René Char, Luc Bérimont, et plus récemment, Anise Koltz, poète luxembourgeoise et Werner Lambersky, poète belge ….
Quel est pour vous le moment idéal pour écrire?
La nuit quand tout le monde dort.
Dans un café ou dans la nature.
Dans un train parce que c’est un temps suspendu entre deux endroits.
Vous êtes aussi chanteuse. Parlez-nous en un peu.
J’adore chanter. Je chante aussi depuis toujours.
Mes idoles étaient Barbara Streisand, Nina Hagen et Janis Joplin. J’aime les chanteurs qui chantent avec leurs “tripes”.
J’ai pris quelques cours de chant classique puis j’ai suivi des cours d’interprétation avec la chanteuse jazz brésilienne Monica Passos.
Je chante depuis quelques années avec des groupes de reprises de jazz ou de rock. La scène me galvanise. J’ai envie de partager ma voix avec un public, en poésie ou en chant.
Dans l’écriture aussi, je recherche la musicalité.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J’aimerais écrire des chansons et monter un spectacle poésie/chant.
Je rêve que ma poésie soit traduite un jour dans d’autres langues.
Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions ! Un mot pour conclure ?
Je choisis deux extraits de poèmes qui figurent dans le recueil “Dans la tempe du jour “, comme un message de lumière.
Merci à Kabyle.com de m’avoir interrogée sur mon écriture et mon parcours.
“Le chant du monde se rétrécit
Il est temps d’additionner les soleils “
et un autre
“J’écris pour inverser le mouvement des arbres
J’écris pour habiter le mystère de l’eau
de la graine et du fruit
Pour l’espoir de renaître au couchant de la vie”
Propos recueillis par Amar Benhamouche