Nassera Dutour, présidente de SOS Disparus, refoulée de son propre pays

Alger, le 31 juillet 2025 — Une fois de plus, le régime algérien fait la démonstration de sa dérive autoritaire. Nassera Dutour, figure emblématique de la lutte pour la vérité et la justice sur les disparitions forcées en Algérie, a été refoulée sans ménagement par les autorités à son arrivée à l’aéroport Houari Boumediene. Une décision scandaleuse, arbitraire, et juridiquement injustifiable. Une blessure de plus infligée à une mère qui, depuis 1997, incarne le combat des familles de disparu·e·s.

« Mon fils a disparu. Et voilà qu’on m’efface à mon tour. Mais, tant que je pourrai parler, je le ferai. Pour lui. Pour les autres. Pour la mémoire. Pour la justice. »

Nassera Dutour

Une expulsion inédite : « On m’a expulsée de mon propre pays »

Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles de Disparu·e·s en Algérie (CFDA) et porte-parole de la Fédération Euro-Méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED), a été retenue plus de trois heures par la police des frontières, avant d’être expulsée vers la France, sans aucun fondement légal. Pour rappel, elle est de nationalité algérienne. Selon l’article 55 de la Constitution algérienne, nul ne peut être empêché d’entrer dans son propre pays.

Or, non seulement elle n’était pas interdite de territoire, mais elle ne représentait en aucune manière une menace à l’ordre public. Son seul tort ? Porter la mémoire des disparus, refuser le silence et réclamer justice. Dans une Algérie où la mémoire est criminalisée et la parole indépendante perçue comme subversive, cela suffit pour être traité comme une ennemie de l’intérieur.

Un dangereux précédent

Cette expulsion marque un tournant inquiétant. Elle ne vise pas une militante étrangère ou un acteur politique : elle frappe une mère, une citoyenne, une femme brisée par la disparition de son fils, qui a fait de son deuil un combat collectif. Elle est aujourd’hui persona non grata dans son propre pays. Le message est clair : toute voix dissidente, même empreinte de dignité et de douleur, est devenue insupportable au régime.

Ce geste s’inscrit dans un continuum d’atteintes aux libertés fondamentales en Algérie : interdictions de manifester, harcèlement judiciaire des militants, répression des syndicats, musellement de la presse. Mais il franchit une ligne rouge : il nie le droit d’appartenance à la nation même.

Une violation flagrante du droit international

Le refoulement de Nassera Dutour contrevient aux principes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie, ainsi qu’à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme (1998). Il bafoue également les garanties constitutionnelles internes. Il constitue un acte de bannissement non déclaré – une pratique honteuse que les dictatures modernes maquillent désormais sous des prétextes administratifs.

Une solidarité qui doit se mobiliser

Le CFDA et la FEMED appellent à une mobilisation internationale pour dénoncer cet acte inacceptable. Les institutions européennes, les organes onusiens, les ONG, les syndicats, les intellectuels et les citoyen·ne·s épris de justice doivent se joindre à cet appel. Ce n’est pas seulement le sort de Nassera Dutour qui est en jeu, mais celui de toutes les voix libres, en Algérie et ailleurs.

Un symbole qui dérange

Nassera Dutour dérange. Non parce qu’elle est dangereuse, mais parce qu’elle est juste. Parce qu’elle représente une mémoire que le pouvoir voudrait effacer. Parce qu’elle incarne une vérité que l’on ne veut pas entendre. Parce qu’elle porte en elle l’Algérie qui refuse l’oubli, l’impunité et la résignation.

Son expulsion n’effacera ni son combat, ni la douleur des milliers de familles qui, comme elle, attendent encore de savoir ce qu’il est advenu de leurs enfants. Elle revient chaque fois, par sa voix, son courage, son humanité.

Face à l’oubli imposé, la mémoire résiste. Face à l’arbitraire, la justice finit toujours par se frayer un chemin.

Rédaction Kabyle.com
Rédaction Kabyle.com
Articles: 818