Stop à l'humilitation, agissons !
Libérer les prisonniers d'opinion Kabyles

Lmulud At Σazdin : Nous restons droits dans nos bottes et gardons le cap vers l’indépendance
Lmulud At Σazdin, porte-parole du gouvernement kabyle en exil, revient dans cette interview pour nous parler de la situation politique actuelle en Kabylie.
Lmulud At Σazdin azul et merci d’avoir accepté cette interview! Vous venez d’être nommé, en décembre dernier, porte-parole du gouvernement kabyle en exil. Comment vous avez vécu cette nomination ?
Azul, j’ai vécu cette nomination comme un aboutissement. Durant mes seize années de dévouement à la cause kabyle, j’ai surtout œuvré en coulisses au sein du MAK, dans la communication principalement. Ceci dit, je n’ai pas beaucoup hésité à accepter cette nouvelle mission qui me place aujourd’hui sur le devant de la scène. Pour l’instant, je le vis plutôt bien (rire).
Je profite de cette occasion pour remercier le Président de l’Anavad ainsi que le Premier ministre pour la confiance qu’ils m’ont accordée. Je m’acquitte de cette responsabilité avec abnégation, sans me mettre une pression excessive : comme aime nous le rappeler Mas Aselway, « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».
Vous êtes également secrétaire d’Etat à la notoriété et à la promotion médiatique…
En effet, la communication est un enjeu crucial pour nous. D’abord, nous accompagnons les projets et les évènements de l’Anavad sur le plan médiatique, car une action mal médiatisée est, par essence, une action dont la réussite reste partielle. Ensuite, nous travaillons sur la notoriété de notre Gouvernement et du mouvement en général, pour contrecarrer la propagande coloniale, qui est par ailleurs abjecte.
Actuellement, notre priorité est de nous structurer autour de la production de contenus variés (audiovisuel, image et texte) destinés à nos médias et à ceux de nos partenaires. Nous nous fixons l’objectif de produire un contenu de haute qualité, tant sur le plan politique que technique, et nous y parvenons plutôt bien si on croit les retours que nous recevons.
Bien entendu, nous ne sommes pas les seuls à œuvrer dans la création médiatique. Je tiens à saluer tous nos militants qui, à travers leurs pages sur les réseaux sociaux notamment, produisent des messages en faveur de la cause kabyle. Chacun d’eux est, à sa manière, un média à part entière. Nous nous tenons à leur disposition pour les conseiller, leur fournir des éléments d’orientation, et les accompagner au besoin. Cela contribue grandement à créer une cohérence, tant sur le fond que sur la forme, et à décupler notre force de frappe médiatique.
Enfin, je souhaite remercier chaleureusement mes collaborateurs et collaboratrices pour leur disponibilité, leur créativité et leur esprit d’équipe. J’apprends beaucoup en travaillant avec eux.
Justement, nous avons pu constater une communication poussée autour du 20 avril
Oui, il y a eu une véritable mobilisation. Nous avons réussi à adopter une approche thématique cohérente, en plaçant le symbole de colombe au centre de notre communication : sur l’affiche officielle, dans la bande-annonce, et sur scène à la Bastille, lors de ce moment fort du lâcher de colombes. Structurer ainsi notre communication permet de marquer les esprits avec des messages clairs et précis.
Quel était votre message à travers ce lâcher de colombes justement?
À l’approche de la proclamation unilatérale d’indépendance désormais plus probable que jamais, il était essentiel de rappeler que la Kabylie et le MAK mènent une lutte pacifique pour la liberté de leur nation colonisée, tandis que l’État algérien continue de prôner la violence, la torture et le terrorisme. En ce sens nous sommes des colombes, et même les dernières colombes de la Kabylie comme nous l’avons répété sur cette scène de la Bastille.
Actuellement, le régime algérien multiplie les manœuvres pour provoquer un conflit, que ce soit avec les Kabyles ou avec ses voisins. Sa dernière trouvaille est l’adoption d’un texte de loi permettant la mobilisation générale et la guerre ! Par cette démarche cacophonique, il espère contraindre les Kabyles à changer de priorités et à repousser une nouvelle fois leur marche résolue vers la liberté, comme cela avait été le cas en 1963. Nous sommes imperturbables ! Les Kabyles ont définitivement compris que l’Algérie est un tombeau et non un refuge, y compris s’il devait y avoir un conflit armé entre le régime militaire et un autre pays. Un fleuve de sang nous sépare, depuis l’assassinat de Abane Ramdane en 1957 jusqu’à aujourd’hui.
Cela dit, nous déplorons que le pouvoir algérien reste aussi fermé et refuse de retirer le dossier kabyle des mains des militaires pour le ramener sur le terrain politique, dans la perspective de négocier les modalités d’un référendum d’indépendance.
Quoi qu’il en soit, nous poursuivons notre combat par des moyens pacifiques. Et face à l’attitude irresponsable de l’Algérie coloniale, nous avançons délibérément vers l’irréversible proclamation unilatérale de l’indépendance de la Kabylie.
Durant la période qui s’ est étendue entre 2014 et environ 2018, une nouvelle génération de militants a émergé, au sein du paysage politique souverainiste kabyle, et particulièrement, au sein du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie. En effet, On a pu y reconnaître plusieurs ailes : identitaire, écologiste, communiste, féministe, anarchiste…et d’autres. Aujourd’hui, on a l’impression que le terrain se vide et que les débats de fond n’existent plus.
M. Lmulud At Σazdin, comment expliquez vous ce processus ?
J’ai été très actif durant cette période, en tant que directeur de Siwel en partie, et je n’ai pas souvenir de l’existence d’ailes structurées. Peut-être existait-il des sensibilités, mais cela est naturel pour chacun de nous.
Si ces forces vives ont trouvé leur place au sein du MAK, c’est qu’elles ont sans doute compris que l’indépendance de la Kabylie est un prérequis pour permettre la pleine expression de l’ensemble de ces courants. Une république Kabyle démocratique, moderne, respectueuse des différences est la seule capable de garantir un espace propice à l’épanouissement du débat public, que ce soit sur le plan politique, sociétal, économique ou d’autres sujets importants pour la nation et pour l’humanité.
Quant à l’impression que le terrain se vide, c’est plutôt que le terrain retient son souffle. La férocité de la répression coloniale exercée par le régime algérien en Kabylie est inédite, et il va de soi que notre peuple en ressent l’impact. Il y a de la peur mais aussi beaucoup de colère. C’est pourquoi nous appelons nos frères et sœurs à faire preuve de vigilance, d’abord, et ensuite à transformer ces sentiments légitimes en une énergie positive, leur permettant de se réinventer et d’agir autrement, en phase avec les exigences de cette nouvelle réalité imposée par l’Etat terroriste algérien.
En ce moment, la Kabylie traverse une période politique très difficile et complexe: emprisonnements, exil, fermeture des espaces d’expression libres,…etc.
Pensez-vous qu’un débat kabylo-kabyle, avec toutes les différences idéologiques et divergences politiques pré-citées, est plus que nécessaire, aujourd’hui, pour dégager un front commun contre la fatalité de la domination?
Face au régime algérien raciste, nous sommes d’abord et avant tout kabyles, et donc, quelque part, tous du MAK ! Même si entre nous, il peut exister des divergences, et nous les respectons, nous restons tous à des années-lumière des sombres desseins véhiculés par le régime algérien.
Finalement, l’Algérie nous a, malgré elle, unis par la haine viscérale qu’elle voue aux Kabyles. Même les plus dociles des “KDS”, comme on dit, se retrouvent aujourd’hui éloignés, voire emprisonnés ou poussés à l’exil.
Dans ce contexte, l’urgence est claire : nous devons nous mobiliser massivement en faveur de la libération de nos prisonniers, l’abrogation de l’article 87 bis du code pénal algérien et la fin des poursuites contre les militants kabyles. Nous sommes ouverts à toutes les initiatives allant dans ce sens notamment.
Les relations franco-algériennes restent instables et marquées par des tensions récurrentes. Estimez-vous que la Kabylie est parfois utilisée comme une variable d’ajustement, que ce soit dans la politique intérieure algérienne ou dans les rapports diplomatiques entre l’Algérie et les pays occidentaux ?
Pour que la Kabylie soit une variable d’ajustement pour l’Algérie, encore faudrait-il que cette dernière exerce un minimum d’emprise sur elle. Or, les quatre dernières échéances électorales ont clairement montré que la Kabylie est politiquement détachée de l’Algérie. Il ne reste plus rien entre les deux, rien, si ce n’est une répression féroce qui maintient artificiellement la Kabylie dans le giron algérien.
Nous restons cependant vigilants, et c’est précisément pourquoi l’Anavad a, par exemple, mis en place une plateforme de négociation pour traiter, de manière sérieuse, de la question de l’indépendance de la Kabylie vis-à-vis de l’Algérie.
Sur le plan international, est-ce que la question kabyle est évoquée dans les discussions entre certains États et l’Algérie ? C’est très probable. Il ne sert à rien de feindre la surprise. Il nous appartient de présenter les bons arguments, et surtout, de formuler une offre claire et crédible, afin que ces pays perçoivent davantage leurs intérêts du côté de la Kabylie que de celui de l’Algérie.
Le monde connaît la montée de la pensée expansionniste et libertarienne. Quelle place pour la Kabylie et son projet indépendantiste dans ce nouveau contexte international?
Le contexte actuel suscite effectivement beaucoup de questionnements, et pas seulement chez nous, mais aussi au sein des États du monde entier.
Quelles que soient les dynamiques internationales, la place de la Kabylie est, d’abord et avant tout, au sein du concert des nations. Nous restons droits dans nos bottes et gardons le cap vers l’indépendance.
Mais ce n’est pas pour autant que nous nous mettons des œillères : nous restons attentifs à tout ce qui se passe et agissons en conséquence. D’ailleurs, sur les plans diplomatique et du droit international, nous engrangeons des avancées des plus encourageantes, tandis que l’Algérie, sous le tandem Tebboune-Chengriha notamment, enchaîne les échecs et voit son isolement grandir sur la scène mondiale.
Plutôt que de multiplier des initiatives du type “mobilisation générale” qui la discréditent davantage, l’Algérie ferait mieux de choisir la voie de la raison : libérer les prisonniers politiques kabyles et engager un dialogue sérieux avec l’Anavad, représentant légitime du peuple kabyle. Le jour où elle fera ce choix d’apaisement, la diplomatie kabyle sera prête à réévaluer sa position. En attendant, nous continuerons sans relâche de sensibiliser toutes les chancelleries du monde aux violations des droits fondamentaux perpétrées par ce régime autoritaire en Kabylie. C’est ce que la Kabylie attend de son Gouvernement en exil.
Aujourd’hui, les peuples amazighs subissent la répression et le déni de leurs langues et cultures dans les tous les États d’Afrique du Nord.
Pourquoi ces peuples n’arrivent-ils pas à constituer une union autour de la libération des peuples berbères d’Afrique du Nord ?
L’union ne se décrète pas. Elle résulte d’une convergence stratégique d’intérêts et le chemin emprunté par la Kabylie n’est pas nécessairement celui suivi par les autres Amazighs d’Afrique du Nord.
Néanmoins, nous appelons tous les Amazighs à soutenir la Kabylie, car il va de soi qu’une Kabylie siégeant à l’ONU serait une avancée hautement bénéfique pour l’ensemble de Tamazgha.
Nous avons d’ailleurs été touchés de voir le drapeau kabyle brandi à Marrakech et à Rabat lors des manifestations du 20 avril dernier, et nous remercions chaleureusement les auteurs de cette initiative de solidarité.
Nous avons, récemment, célébré le 45e anniversaire du Printemps Berbère et du 25e anniversaire du Printemps Noir de Kabylie.
Qu’est-ce qu’elles représentent ces deux dates historiques pour vous, en tant que jeune leader politique kabyle ?
Je n’ai pas vécu 1980, et je n’ai pas fait 2001 non plus, même si, âgé de 12 ans à l’époque, j’en garde des souvenirs très vivants. Je suis de la génération d’après. Ce qui m’a surtout marqué, c’est la désillusion profonde qui a suivi ce Printemps Noir, et qui a duré de longues années.
C’est dans ce climat de renoncement général que Ferhat Mehenni a su garder la tête froide, prendre du recul, et poser un diagnostic lucide avec la publication de « Algérie, la Question Kabyle ». Il a ensuite fait preuve d’une patience remarquable et d’une pédagogie constante pour remettre la cause kabyle sur pied, et raviver une évidence enfouie au fond de chaque Kabyle depuis 1857 : « les Kabyles sont un peuple à part entière. »
Je pense que chacun d’entre nous, en Kabylie ou ailleurs, peut aujourd’hui s’inspirer de cette attitude face à la chape de plomb imposée par l’Algérie depuis maintenant quatre ans : garder la tête froide et trouver les bonnes voies pour avancer avec cette nouvelle donne.
Pour répondre plus directement à votre question, les Printemps de 1980 et de 2001 sont pour moi des repères fondamentaux. Si l’on observe de près, on constate que 2001 a surpassé 1980/81 à la fois en termes de sacrifices (128 morts, des milliers de blessés, beaucoup d’handicapés à vie), et en termes d’impact sur l’avenir de la Kabylie. Mon intention n’est pas de hiérarchiser ces deux événements. Je le dis uniquement parce que certains acteurs de 80 cherchent à donner une légitimité supérieure à “leur” Printemps. Quoi qu’il en soit, le MAK s’inscrit clairement dans la continuité de ces deux Printemps. Il a su tracer sa propre voie après en avoir fait l’analyse et la synthèse.
À titre personnel, je suis très fier d’appartenir à un peuple qui, en 1980, pour sortir de la clandestinité, a brandi le mot « liberté », et qui, en 2001, l’a écrit avec son propre sang. Et quand je me projette dans l’école de la Kabylie indépendante, je vois des enseignants pressés d’arriver aux chapitres 1980/81 et 2001 pour évoquer ces moments clés et passionnants de notre Histoire.
J’ai enfin une pensée très tendre pour les familles des victimes de 2001, et pour tous ceux qui en portent encore les séquelles, physiques ou morales.
Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions. Un dernier mot pour conclure.
Oui, je me permets une rapide rétrospective des événements majeurs organisés en ce 1er semestre de l’année 2025.
Le 8 mars dernier s’est tenue la première édition de l’événement « Anavad et le Peuple Kabyle : le grand rendez-vous », placé sous le signe de la proximité avec notre peuple, conformément à la volonté du Premier ministre. Les ministres se sont mobilisés pour, notamment, répondre aux interrogations exprimées par les Kabyles dans le cadre de la campagne #Nemtawa, lancée le 1er janvier.
Le 20 avril, jour des marches pour l’indépendance de la Kabylie, a été marqué par au moins cinq manifestations dans le monde, en plus de nombreuses initiatives individuelles et locales en Kabylie. À Paris notamment, la démonstration de force a été remarquable : deux fois plus de participants que l’an dernier. Cela montre que nous avançons de nouveau, et que la peur imposée par le régime algérien continue de s’effilocher, malgré ses récents efforts d’intimidation jusque dans la diaspora.
Le 14 juin prochain, ce sera la Journée de la Nation Kabyle. Le mot d’ordre et le programme sont en cours de réflexion. Nous appelons l’ensemble du peuple kabyle à rester attentif aux orientations qui seront données par l’Anavad et le MAK. Cette journée est historiquement marquée par des actions individuelles, locales et familiales, en plus des événements de plus grande ampleur.
Enfin, je tiens à remercier chaleureusement Kabyle.com pour l’espace qui nous est accordé, et à le féliciter pour sa constance dans l’engagement en faveur de la cause kabyle. Durant la période de désillusion généralisée qui a suivi 2001, il fut une référence de la Kabylie qui avance. Aujourd’hui encore, ses articles, très consultés par des non-Kabyles, restent une vitrine précieuse de notre peuple dans le monde.
Nous lui souhaitons longue vie.
Entretien réalisé par Amar BENHAMOUCHE
Azul thanmirth pour cette intervew tres explicie et encourageante pour avancer d’une maniere sereine.Thanmirth a Ferhat qui a su organiser le MAK d’une facon magistrale et qui avance exponentiellement vers son destin que nul autre n’a pu reussir jusqu’ici.Un coup d’essai qui vaut un coup de maitre c la signature des grands hommes sans faire de bruit ni tapage c un Tsunami kabyle.Thanmirth a tt celui qui a participe a ce dessein de pres ou de loin.Je suis fier d’etre Kabyle,de ma kabylite la race des seigneurs.Vive le MAK.Vive lAnavad vive la Kabylie libre