Les voix autochtones d’Afrique s’unissent pour faire entendre leurs droits

C’est à Nairobi, sous le soleil puissant du mois de mars, que s’est tenu un événement d’une portée symbolique et politique majeure pour les peuples autochtones d’Afrique. Du 5 au 7 mars 2025, une consultation stratégique inédite a réuni des représentants autochtones venus des quatre coins du continent, pour dialoguer directement avec le tout nouveau Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’Africain Albert Barume.

L’enjeu ? Identifier les priorités urgentes, bâtir des passerelles avec le Rapporteur, et poser les jalons d’un plaidoyer panafricain renouvelé. L’enthousiasme était palpable : pour la première fois, les peuples autochtones d’Afrique ont pu formuler, ensemble, leurs revendications fondamentales autour de valeurs partagées — la terre, la langue, les droits humains, l’autodétermination.

La Kabylie et Tamazgha en force : la voix des Amazighs portée haut et fort

Invité en tant qu’expert amazigh, Belkacem Lounes, figure de proue du Congrès Mondial Amazigh (CMA), a apporté à Nairobi les priorités stratégiques des Amazighs du nord de l’Afrique et du Sahara. Issues d’une consultation en ligne avec les membres du CMA, ces priorités résonnent comme un cri de justice : Akal (la terre spoliée), Awal (la langue méprisée), et des atteintes répétées aux libertés fondamentales, sans oublier le refus obstiné des États de reconnaître le statut autochtone des Amazighs.

Les récits se croisent et se ressemblent : qu’ils soient Kel-Tamasheq du Mali, Batwa du Rwanda ou Amazighs du Maroc, les peuples autochtones africains subissent les mêmes blessures — marginalisation, expropriation, répression. Mais cette rencontre a aussi montré une volonté commune : celle d’agir ensemble, rapidement, et stratégiquement.

Un dialogue direct et des actions à venir

En marge de la réunion, Belkacem Lounes a eu un échange approfondi avec Albert Barume, lui remettant une synthèse des cas les plus urgents au sein de Tamazgha. De la répression des militants au Maroc, aux violations des droits en Algérie, Tunisie, Libye ou dans l’Azawad, les menaces sont nombreuses — mais la mobilisation l’est tout autant. Le CMA s’est engagé à documenter précisément chaque dossier et à assurer un suivi rigoureux auprès de l’ONU et de l’Union Africaine.

Le communiqué officiel du CMA, publié à Nairobi, est disponible ci-dessous pour une lecture complète.

Engagement stratégique des Peuples Autochtones Africains avec le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Dès la nomination en décembre 2024 de l’expert Africain Albert Barume au poste de Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les représentants des organisations autochtones africaines ont estimé que cette nomination était une occasion unique de renforcer le plaidoyer et la réalisation des droits des
peuples autochtones, particulièrement en Afrique.

Afin d’identifier les questions prioritaires à engager avec le Rapporteur Spécial et de discuter des modalités de collaboration avec lui et son équipe, une réunion de consultation stratégique a été convoquée du 5 au 7 mars 2025 à Nairobi au Kenya. Cette réunion a rassemblé le Rapporteur Spécial avec des représentants autochtones de
toutes les régions d’Afrique.

Invité en tant qu’Amazigh et expert sur les questions relatives aux droits des peuples autochtones, Belkacem Lounes a participé à cette réunion au cours de laquelle il a présenté les priorités des Amazighs de tous les pays de Tamazgha (Afrique du nord et Sahara), telles qu’elles ont été arrêtées et hiérarchisées lors d’une réunion virtuelle de tous les membres du Congrès Mondial Amazigh (CMA), qui s’est tenue le 16 février 2025.

Au cours de cette réunion, les membres du CMA ont identifié les priorités suivantes : Akal (les spoliations des terres et des ressources naturelles des Amazighs), awal (les graves atteintes au droit des Amazighs à leur langue, la violation de la législation concernant tamazight en Algérie et au Maroc, les discriminations à l’encontre de la langue et de la
culture amazighes…), les violations des droits humains (les violences d’Etat, les représailles, les arrestations et détentions arbitraires, les harcèlements policiers et judiciaires, les atteintes aux libertés fondamentales), la marginalisation socio-économique des derniers territoires habités par les Amazighs, et le refus de reconnaissance du caractère autochtone des Amazighs par les Etats arabo-nationalistes dans les pays de Tamazgha.

Au cours de cette consultation stratégique de Nairobi, chacun a présenté les priorités de sa région qui finalement sont toutes plus ou moins les mêmes pour tous les peuples autochtones africains. Tous se sont mis d’accord pour souligner la nécessité d’agir sans délai et de manière opportune et innovante pour garantir le respect effectif des
droits des peuples autochtones, y compris le droit à l’autodétermination et le droit au consentement libre, préalable et éclairé pour tous les peuples autochtones, conformément au droit international.

Les participants à cette consultation ont par ailleurs convenu de poursuivre leur dialogue interne afin d’établir un plan d’action global conforme au mandat du Rapporteur Spécial et au droit international, pour renforcer le plaidoyer régional et mondial en faveur des droits des peuples autochtones.

En marge de cette réunion, Belkacem Lounes s’est réuni en tête à tête avec le Rapporteur Spécial, afin de l’informer sur les urgences en Afrique du nord et Sahara. Il a notamment évoqué la poursuite des spoliations foncières particulièrement au Maroc, la violation de la législation concernant la langue amazighe, le racisme et les discriminations anti-Amazighs et la répression féroce. Concernant le sujet précis des droits de l’Homme, le représentant du CMA a évoqué les cas de détention injuste et arbitraire de Said Ait-Mehdi et ses camarades de la coordination des victimes du séisme de Adrar-n-Dern (Haut-Atlas) et de Nasser Zefzafi et ses compagnons, au Maroc. Pour l’Algérie, Belkacem Lounes a expliqué au Rapporteur Spécial que la défenseure des droits des Amazighs et ancienne co-présidente du CMA, Kamira Nait-Sid, est sortie de prison mais elle n’est pas libre.

Comme tous les militant-es de la cause amazighe, elle est soumise à une étroite surveillance policière et à des poursuites judiciaires, même après trois années de détention arbitraire. Il a également évoqué les cas des condamnés à mort et des autres détenus politiques Kabyles et At-Mzab. Les contextes menaçants que vivent les Amazighs en Tunisie et en Libye ainsi la crainte de génocide contre les Kel-Tamasheq particulièrement dans l’Azawad, ont également été portés à l’attention de M. Barume. Le CMA va adresser une documentation détaillée sur chacun de ces cas au Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones mais aussi à d’autres organes pertinents de l’ONU et de l’UA et il en assurera le suivi.

Nairobi, 26/02/2975 – 10/03/2025
Le Bureau du CMA.

Rédaction Kabyle.com
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