Idir, Yidir et Tidir pour lui rendre un ultime hommage

Appel de l’association Tamazgha – Tiɣri

L’association Tamazgha appelle les familles amazighes à travers l’ensemble de Tamazgha ainsi que la diaspora qui auront des naissances ces jours-ci ou dans les jours, les semaines ou les mois à venir, de donner aux nouveaux nés le prénom YIDIR / IDIR, pour les garçons, ou TIDIR, pour les filles, et ce en signe d’hommage et de reconnaissance à l’égard de notre artiste, monument de la chanson kabyle et ambassadeur de la culture amazighe, YIDIR, qui nous a quittés le samedi 2 mai 2020.

Un symbole de la culture amazighe s’éteint !

Samedi 2 mai 2020, vers 21h30, s’éteint tout un symbole de la culture amazighe, oui le chanteur kabyle Idir s’éteint ce samedi 2 mai et nous laissant ses chansons et toute l’histoire qu’il a écrite en plusieurs décennies de scène où il a parcouru une bonne partie de la planète pour faire danser avec ses mélodies dont certaines sont immortelles, mais aussi pour faire l’ambassadeur de la culture amazighe (berbère).

«Ambassadeur» qui revient souvent lorsqu’on parle de lui.

Au lendemain, ce qualificatif d’ambassadeur se retrouve dans nombreux titres de journaux qui ont tenu à lui rendre hommage. C’est ainsi que très tôt (vers 4h), le site du Monde titrait « Le chanteur Idir, l’un des principaux ambassadeurs de la chanson kabyle, est mort ». Même François Hollande, ancien président de la République française, dans son hommage sur Twitter, parle d’ »un grand ambassadeur de la culture kabyle » qui a su envoûter « des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes ». L’organisation UNESCO, qui rend hommage à l’artiste sur sa page Facebook, quant à elle, parle de celui qui « était l’un des principaux ambassadeurs des cultures kabyle et berbère« .

C’est ainsi l’un des ambassadeurs de la chanson kabyle et de la culture amazighe qui nous quitte et c’est l’ensemble de Tamazgha qui est aujourd’hui en deuil. Les messages de condoléances et de tristesse fusent de partout à travers le territoire amazigh et au-delà. Même sur les fronts de combats en Libye, les combattants amazighs ont été affectés et attristés par la douloureuse nouvelle.

Le parcours de Yidir

De son vrai nom Hamid Cheriet, Idir est né en 1949 à Aït Lahcène, en Kabylie. D’une famille modeste, il fréquente l’école des Jésuites, installés en Kabylie. Faisant partie de ceux qui ont eu la chance d’accéder aux études universitaires, il effectue des études de géologie et avait pour projet de devenir ingénieur pour travailler, naturellement, dans l’industrie pétrolière. Mais sa vie prend une autre trajectoire, et il était loin de l’imaginer. Un passage inattendu à la radio, à Alger, en 1973, où il a eu à remplacer au pied levé la chanteuse kabyle Nouara pour chanter la berceuse « Rs-d a yiḍes », le révèle au public.

Suite à ce succès, il enregistre cette chanson « Rs-d a yiḍes », en 45 tours avant de partir faire son service militaire. Après avoir effectué son service militaire, en 1975 il quitte la Kabylie pour s’installer à Paris, en France, sur la suggestion de la maison de disque Pathé Marconi qui l’avait convaincu de travailler sur la réalisation d’un disque « 33 tours » avec la célèbre chanson « A baba ynuba » dont le texte est écrit par le poète kabyle Ben Mohamed. En 1976 il sort son premier album qui porte le titre (Vava Inouva). C’est alors que commence pour lui l’aventure, et depuis il n’a pas quitté la musique. Il abandonne ses projets d’études ou de recherche de pétrole dans le Tiniri et trouva son bonheur dans la musique. Le succès du disque « Baba ynuba » a fait de lui un artiste connu sur le plan international. L’album ayant eu un grand succès, il enregistre un deuxième album intitulé « Ay arrac-nneɣ » qui sort en 1979, toujours à Paris.

La carrière de l’artiste est difficile à décrire ; il en faut des travaux de recherche. Nous allons nous contenter dans cet article-hommage de partager avec vous des moments particuliers de la longue carrière de Yidir.

A ce propos, signalons que Youcef Allioui, écrivain kabyle, lui a consacré un ouvrage dans lequel il le qualifie de « Messager de Jugurtha ». Par cet ouvrage, paru en avril 2019 chez l’Harmattan, à Paris, Youcef Allioui a voulu « présenter Idir à tous ceux qui l’ont découvert à travers sa musique et ses chants et qui ignorent peut-être tout ou presque de son peuple, de sa langue et de sa culture« .

Tout en se battant contre la maladie, Yidir a tenu à garder le contact avec son public en communiquant avec lui notamment via sa page Facebook. C’est ainsi que le 16 juillet 2019, sur sa page Facebook, il écrivait ceci :

« Bonsoir mes amis, j’ai beaucoup de plaisir à vous écrire. D’abord je tiens à vous remercier de toutes les marques de soutien que vous m’avez adressées. La vie suit son cours et j’affronte tout avec le maximum de sérénité. Vous servir mes chansons a été un honneur pour moi et une plus grande fierté encore lorsque je me suis rendu compte qu’elles vous plaisaient. Vous comprendrez par là que je vous ai tant aimé et que cela continue. Voici une chanson inédite des années 90 dont le texte est de mon ami Mohia, sur une musique d’Ennio Morricone et qui était la chanson du film « Sacco et Vanzetti » accusé injustement, comme le sont quelques-uns des prisonniers en Algérie. Cela parle d’un oiseau en cage qui rêve de liberté. Je leur dédie cette chanson, qui n’a pas pu être diffusée pour des raisons techniques. Merci à Gérard Geoffroy pour ta flûte, merci à vous et bonne écoute !
« 

Le dernier message de Idir à ses ami(es)

Au début du confinement décidé en France, Idir poste un message sur sa page Facebook, un message par lequel il demande à ses ami(e)s de prendre soin d’eux-mêmes. Il rappelle également l’importance du confinement « pour nous protéger et protéger les nôtres« . Et il propose un instant musical avec sa chanson « Cfiɣ » ; c’était le 21 mars 2020, et c’était le dernier message qu’il écrit sur sa page Facebook.

Ce n’est pas hasard que Yidir parle de la culture amazighe (berbère), même si c’est par hasard qu’il est venu à la chanson !

Dans un échange à distance avec l’artiste sud-africain Johnny Clegg, en 1993, Idir dit : « Si je m’intéresse à ma culture, ce n’est pas par hasard, même si je suis venu à la chanson par hasard« . Et il explique comment il est venu à la musique :

Dès que j’ai eu mes diplômes, je les ai mis dans un tiroir et j’ai pris ma guitare… et j’ai sillonné les villages kabyles un par un. J’ai recueilli beaucoup de choses de vieilles et de vieux : de la poésie, de la musique. Et à partir de là, j’ai essayé de travailler avec sincérité et selon ma sensibilité. Et j’ai tout de suite inventé le nom de « Yidir » parce que je ne voulais pas que mes parents sachent que je chantais. Pourquoi ? Parce que… la tradition. Et chez nous, chanter c’était souvent synonyme de débauche. Chanter pour les Kabyles, c’était aussi vendre sa voix. Donc c’était vendre les secrets de la famille, se faire voir, se faire montrer, s’exhiber, et ça ce n’était pas bien vu.

L’identité amazighe n’est pas à négocier !

A l’occasion de son concert à Montréal en avril 2008, et à une question de T. Ould-Hamouda qui lui demande ce qu’il pensait du fait que « la majorité des Kabyles le considéraient comme l’ambassadeur de notre culture dans le monde« , il répond ceci :

« C’est avec fierté et honneur que je fais connaître ma culture. S’il y a une chose que je ne négocierai jamais, c’est mon identité berbère. Je fais ce que je peux et du mieux que je peux.

Yidir rend hommage à l’Académie berbère

Si Yidir a été amené à chanter « Muqleɣ tamurt umaziɣ » dont le texte est écrit par Ben Mohamed, c’est parce qu’il a été influencé par l’Académie Berbère qui faisait à l’époque un travail monumental de sensibilisation à la berbérité. C’était en 2015, lors d’une interview à l’émission Awal sur BRTV que l’artiste racontait que pendant les années 1970 on n’osait pas prononcer le mot « amaziɣ » car, selon lui, à l’époque, la répression était tellement forte (répression culturelle, morale,…) que dire « Yuguretn walaɣ udem-ik » était inimaginable. Il dit alors que « c’était grâce à l’Académie berbère qui a fait le boulot pour influencer des gens comme moi comme Ben Mohammed et tous ces jeunes qui se préparaient à exprimer leur art dans leur langue« . Et il confie au journaliste qu’il trouve extraordinaire qu’il ait vécu une période porteuse comme celle-ci des années 70.

La Bretagne rend hommage à Yidir

Le chanteur et harpiste Alan Stivell a été l’un des premiers à rendre hommage à l’artiste kabyle, avec qui il avait chanté et adapté la chanson Isaltiyen (« Les celtes »). Il y saluait, en breton, ses frères du pays Amazigh. « Salut à vous mes frères de culture », disait la chanson, enregistrée en 1997 dans l’émission de France 3 Bretagne, « Du-mañ, du-se ».

Le directeur du Festival du Chant de Marin ( Paimpol), salue une grande voix de la Kabylie : « On avait pu apprécier son talent et sa gentillesse lors de l’édition 2003 du Festival du Chant de Marin – Paimpol. Il devait revenir l’an dernier, pour notre édition Best Of des 30 ans, mais en avait été empêché par la maladie. Toutes nos pensées l’accompagnent pour ce départ qui laisse un grand vide. ».

Baba inuba en Breton

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Plus récemment, c’est l’équipe réunie autour d’Arnaud Elegoët pour le livre-album Kan ar Bed qui avait adapté en breton la chanson qui a fait la renommée d’Idir, « Baba ynuba », devenue devenue « Ma zadig me« . Sur la vidéo ci-dessous, de France 3, elle est interprétée par Perynn Bleunven et Karim Belkadi.

Des hommages qui viennent des quatre coins de la planète

Emmanuel Macron, président de la République française, a rendu hommage à celui qui « chantait ses racines kabyles avec la mélancolie d’un exilé et la fraternité des peuples avec les espoirs d’un humaniste ».

François Hollande, ancien président de la République française, salue celui qui a « envoûté des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes ».

David Assouline, Sénateur socialiste, sur son compte Twitter, écrit ceci :

« Tristesse encore. Hamed Cheriet, dit Idir, est mort, celui qui a éclairé tant de soirées de fêtes avec mes amis berbères, auxquels je pense en ce moment tout particulièrement. Nous sommes nombreux ce matin à fredonner avec nostalgie A vava inouva…. »

Anne Hidalgo, Maire de Paris, écrit ceci sur compte Twitter :

« Idir, son engagement humaniste, son engagement pour la culture Kabyle resteront dans nos cœurs. Sa voix magnifique résonnera longtemps à l’hôtel de ville où si souvent nous avons ensemble célébré le nouvel an Berbère. »

C’est sur sa page Facebook que l’Unesco rendu hommage à l’un « des principaux ambassadeurs des cultures kabyle et berbère».

Patrick Bruel salue « La grande voix de la Kabylie qui s’en va…».

L’ancien champion du monde de football, Zidane, lui aussi kabyle, publie ceci sur son compte Instagram :

« Triste nouvelle aujourd’hui. Nous venons d’apprendre la disparition d’un homme que nous aimons profondément. Un homme courageux et un exemple ! Tu as marqué mon enfance en famille. Je n’oublierai jamais notre rencontre. Repose en paix.»

En effet, en 2002, « Zizou » avait rencontré Idir à l’occasion d’une émission de France 2 présentée par Michel Drucker. Ce jour-là, le chanteur avait interprété une chanson, accompagné à la guitare par Jean-Jacques Goldman. Questionné par Drucker sur Idir, Zidane dit : «J’ai beaucoup de respect pour ce monsieur. Mon papa l’admire énormément. A chaque fois que je le vois, c’est toujours un plaisir».

ll est bien entendu impossible d’énumérer ici l’ensemble des hommages rendus à Yidir.

Mais c’est bien entendu la monde amazigh, et en particulier sa Kabylie natale, qui ont été affectés par cette disparition. Chaque amazigh a senti ce 2 mai une partie de lui-même partir. Et c’est chacun.e qui a tenu à exprimer sa douleur.

De Siwa aux Canaries, et de la Méditerranée à Tiniri, le pays des Touaregs, la triste nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre.

Les Amazighs de Libye, pourtant en guerre, nombreux ceux qui sont au front contre les Forces armées arabes de Haftar, ils ne sont pas restés indifférents à cette disparition qui les a beaucoup affectés.

L’émission «Awal n Imaziɣen» animée par Tamazgha sur les ondes de radio «Fréquence Paris Plurielle» (106.3 FM) a donné la parole à Rabah Allam qui lui a rendu hommage à travers «Tidak n Dda Ṛezqi». Le voici :

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Pour rendre hommage, et en signe de reconnaissance, à ce monument de la chanson kabyle et à ce symbole de la culture amazighe pour laquelle il a été l’un des ambassadeurs, Tamazgha lance un appel toutes «les familles amazighes à travers l’ensemble de Tamazgha ainsi que la diaspora qui auront des naissances ces jours-ci ou dans les jours, les semaines ou les mois à venir, de donner aux nouveaux nés le nom YIDIR / IDIR, pour les garçons, ou TIDIR, pour les filles».

Yidir, tu es parti mais tu nous a laissé de quoi des générations et des générations perpétueront ton nom et ton œuvre !
Ayyuz ! Bravo !

Masin Ferkal – Association Tamazgha

Source : Tamazgha.fr

Discographie de Yidir

 « A Vava Inouva », 1976

 « Ay arrac nneɣ », 1979

 « Les chasseurs de lumières », 1993

 « Identités », 1999

 « Deux rives, un rêve », 2002

 « Entre scènes et terres (Live) », 2005

 « La France des couleurs », 2007

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Rédaction Kabyle.com
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Un commentaire

  1. Jean-François Bernardini du groupe I Muvrini rend un bel hommage dans le journal Corse matin du 9mai au poète Idir.Il avait honoré de sa présence les musicales de Bastia en 2008.

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