Le nouveau président est proclamé. Sans surprise, le « vainqueur » est celui qui a bénéficiéde la plus grande logistique de l’administration. Fidèle à sa nature despotique, le pouvoir a assumé le coup de force électoral en recourant encore une fois aux subterfuges de la fraude. Le « vote » corrobore l’élu désigné ailleurs, hors élection, par un collège invisible mais encombrant. La parodie électorale a livré plusieurs enseignements qui attestent tous de la persistance de l’illégitimité du pouvoir du double point de vue de sa nature et de son mode de renouvellement. En définitive, rien ne peut faire reculer le système dans sa tentative de régénération, dont le cynisme le mène jusqu’à imposer un candidat en complet décalage sociopolitique avec la majorité du pays. Le système est reconduit par une légion d’émules issus de la même matrice politico-idéologique.
De bout en bout, la mascarade s’est accompagnée d’une répression à la fois massive et ciblée – près de deux cents détenus politiques – avec des cas de torture et des violences policières les journées des 11, 12 et 13 décembre, en pleine « opération » électorale. La libération des détenus d’opinion car injustement poursuivis est une exigence politique et éthique.
Le rejet massif de cette présidentielle s’est exprimé sur l’ensemble du territoire national, sans exception. Il est plus saillant en Kabylie en raison d’une accumulation de luttes qui distingue cette région du reste du pays.
En la circonstance, il faut saluer la maturité du peuple algérien qui a déjoué les tentatives de divisions aussi grotesques que dangereuses opérées par le régime en place. Ce dernier a en effet lamentablement échoué dans le domaine. Le gonflement coutumier du taux de participation, vital pour la respectabilité internationale, ne trompe plus personne comme du reste la désignation du vainqueur dès le premier tour. Le but est d’échapper à la pression populaire. Cette désignation est accueillie, le lendemain même, par une mobilisation massive et populaire dans toutes les régions du pays. La kermesse terminée et les lampions éteints, la problématique reste la même, têtue comme la réalité. La légalité ne saurait être remplacée par une légitimité usurpée parce qu’octroyée par le commandement militaire. Le pouvoir le sait. Il est affaibli et se révèle incapable de se réformer, rongé par le doute.
Que faire ?
L’immense espoir soulevé par la « révolution du sourire » doit être entretenu par un nouvel engagement, d’abord en refusant de reconnaître cette légitimité factice, ensuite en restant unis et en refusant toute perspective électorale issue de cette farce et, enfin et toujours, revendiquer une phase transitoire pour une solution démocratique qui enclenche une autre légitimation.
C’est ici qu’il faut résister aux manœuvres dont le but évident est de casser le mouvement populaire.
Il faut distinguer lucidement le vrai du faux. Le chantier qui s’ouvre devant nous est immense. Une réflexion stratégique est nécessaire pour combattre pacifiquement ce système encrassé en offrant à l’opinion publique les instruments de réflexion et de lutte. Nous avons déjà engrangé une première victoire par la nature démocratique des slogans portés par les manifestants. La suite est prometteuse. Les espaces créés à cette occasion historique n’ont pas totalement atteint leur but. Des points décisifs ont été marqués, la parole s’est libérée, laissant augurer à travers une espérance jamais connue jusque-là un projet démocratique national rassembleur et combattif. L’élargissement des rangs et l’unité d’actions est une vertu et un impératif.
C’est l’une des conditions de la victoire totale. Pour cela, préparons demain par la conviction que rien n’arrêtera la volonté populaire de s’exprimer. C’est une question de temps.
Alger, le 14/12/2019
Collectif des Amis du Manifeste pour l’Algérie Nouvelle