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Libérer les prisonniers d'opinion Kabyles
Ma réponse à Kabyle.com par Mohand Ouramdane KHACER
Par Mohand Ouramdane KHACER, ancien dirigeant fondateur de l’Académie Berbère du Nord
Je remercie Kabyle.com pour l’ouverture de cet espace de réflexion et de débat, fidèle à sa vocation de plateforme libre et plurielle au service de la cause amazighe.
Je comprends les interrogations soulevées par la rédaction, notamment autour de l’usage des symboles étatiques, tels que le drapeau algérien, dans une lutte qui dénonce la négation de l’identité amazighe par l’État algérien actuel. Cependant, il me semble important de replacer les choses dans une perspective plus large et de distinguer l’appareil idéologique qui gouverne de manière autoritaire, de la nation réelle dans sa profondeur historique, humaine et culturelle.
Une vision amazighienne d’ensemble
Mon engagement pour l’amazighité dépasse les frontières politiques de l’Algérie actuelle. Il s’inscrit dans un projet plus vaste : la reconnaissance et la revitalisation de l’ensemble amazighien, qui s’étend de l’Égypte antique aux Îles Canaries, du Nord de l’Afrique jusqu’aux terres sahéliennes. Cette réalité millénaire ne saurait être confinée ou fragmentée par des idéologies de circonstance.
C’est aussi pourquoi mon combat demeure indissociable d’un idéal d’Algérie libre, démocratique et plurielle, fondée sur la justice sociale, la laïcité et le respect de toutes ses composantes culturelles et linguistiques.
Drapeaux : opposition ou complémentarité ?
Quant au drapeau algérien, je ne le confonds pas avec l’idéologie arabo-islamiste ou baathiste qui s’en est emparée. Ce drapeau appartient d’abord au peuple, à ceux et celles qui sont morts pour une Algérie indépendante, croyant en un avenir inclusif. Il flotte sur toutes les contrées de ce pays, y compris en Kabylie, et ne devrait pas être abandonné aux mains d’un pouvoir qui trahit ses promesses.
Le drapeau amazighien, quant à lui, est culturel, identitaire, fédérateur. Il transcende les États-nations actuels et unit symboliquement les peuples amazighs, d’hier à aujourd’hui. Il n’est pas en opposition aux autres drapeaux nationaux, mais il en est le complément naturel lorsqu’il s’agit de rétablir les vérités enfouies et de faire reconnaître nos racines profondes. Un jour viendra où l’on verra ce drapeau amazigh flotter librement aux côtés des drapeaux nationaux, dans un esprit de coexistence et de respect mutuel.
Une lutte pour la dignité, pas pour l’exclusion
Je rejette les amalgames qui réduisent l’amazighité à une revendication identitaire régionaliste ou séparatiste. C’est un combat pour la dignité, la vérité historique et la justice culturelle. Il ne s’agit pas d’exclure, mais d’inclure ce que l’histoire et les politiques de domination ont nié ou voulu effacer.
Je rends hommage à toutes les familles résistantes y compris la mienne qui ont versé leur sang pour la liberté. Leur combat nous oblige à poursuivre la lutte avec lucidité, sans haine, mais sans concession non plus.
À bon entendeur, salut.
Mohand Ouramdane KHACER
Ancien dirigeant fondateur de l’Académie Berbère du Nord
Militant amazigh

Merci à Mohand Ouramdane Khacer pour cette réponse argumentée et apaisante.
Nous partageons pleinement le souci de défendre et de transmettre l’amazighité dans toute sa profondeur historique, au-delà des frontières actuelles.
Cependant, quelques clarifications nous semblent importantes pour la Kabylie d’aujourd’hui.
Le drapeau algérien, quelle que soit son histoire, reste aujourd’hui l’emblème d’un régime qui nie notre existence kabyle. Beaucoup de nos martyrs sont morts pour la liberté, pas pour ce drapeau devenu le symbole d’une idéologie qui nous exclut.
La Kabylie mène un combat politique spécifique, distinct des luttes amazighes d’autres régions. Notre combat est d’abord celui d’un peuple nié dans ses droits fondamentaux, pas seulement d’une culture ou d’une langue.
Enfin, réduire notre cause à une quête culturelle, sans nommer le colonialisme intérieur algérien, c’est passer à côté de la vraie blessure kabyle d’aujourd’hui : l’absence de reconnaissance politique, le mépris et la répression.
Nous vous rejoignons sur le refus de la haine. Mais la lucidité commande aussi de ne pas confondre l’appareil d’État et le peuple kabyle en résistance.
Avec respect et ouverture au débat.
— La rédaction de Kabyle.com