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Algérie : à Chtaibi, un arrêté municipal flou relance le débat sur les libertés individuelles
Alors que l’Afrique du Nord est frappée par des vagues de chaleur accablantes, une décision municipale en Algérie alimente la controverse. Le maire de la commune côtière de Chtaibi, entre Annaba et Skikda, a signé le 7 juillet un arrêté interdisant le port de « tenues inappropriées » dans les espaces publics et les quartiers résidentiels pendant toute la saison estivale 2025.
Le texte officiel, rédigé en termes vagues, ne précise pas les vêtements visés. Toutefois, plusieurs observateurs et internautes, notamment sur les réseaux sociaux, y voient une interdiction implicite du port de shorts ou de bermudas. Pour eux, cette mesure rappelle les dérives morales des années 1990, lorsque le Front islamique du salut (FIS) tentait d’imposer un contrôle strict des mœurs dans certaines régions d’Algérie.
Une interprétation qui divise
Si quelques voix locales s’élèvent contre ce qu’elles considèrent comme un retour en arrière sur les libertés individuelles, d’autres, au contraire, soutiennent cette initiative, au nom du respect des « bonnes mœurs » et des « valeurs locales ». Dans une région où le conservatisme religieux gagne du terrain, la mesure trouve un certain écho, malgré son caractère controversé.
Les habitants et visiteurs de Chtaibi sont donc appelés à privilégier des tenues jugées « décentes » par les autorités locales. Certains y voient une volonté d’imposer des habits longs, tels que les gandouras, y compris en pleine saison estivale.
Un climat liberticide ?
Ce n’est pas la première fois que des restrictions de cette nature surgissent en Algérie. Depuis plusieurs années, des interdictions tacites visent notamment les femmes, dont l’accès à certaines plages est de plus en plus contesté dans l’est du pays. Cette fois-ci, ce sont les hommes qui semblent indirectement visés par cette interprétation extensive des « tenues inappropriées ».
Pendant que des problématiques sociales majeures — comme le chômage, l’exode massif des jeunes vers l’Europe (les harragas) ou encore la corruption — restent sans réponse concrète, les autorités locales préfèrent se concentrer sur le contrôle des comportements individuels.
Une mesure locale appelée à s’étendre ?
Certains observateurs redoutent que ce type de décisions locales ne fasse tache d’huile dans d’autres régions d’Algérie. La Kabylie, historiquement rétive aux dérives islamistes, pourrait elle aussi, un jour, être concernée par de telles restrictions tant qu’elle reste sous tutelle de l’État algérien.
Le flou juridique et l’absence de débat public sur ces questions laissent planer une menace sur les libertés individuelles dans un contexte national où les normes sociales conservatrices progressent sans véritable contre-pouvoir.
Le maire revient sur sa décision
Face à la polémique, le maire de Chtaibi a fait machine arrière. Un nouvel arrêté du 9 juillet 2025 est venu abroger celui du 7 juillet, mettant fin à l’interdiction floue des tenues dites « indécentes ».
Traduction de l’arrêté municipal du 7 juillet 2025
République Algérienne Démocratique et Populaire
Wilaya : Annaba
Daira : Chétaïbi
Commune : Chétaïbi
Arrêté municipal n° /2025
Objet : Interdiction de circuler en tenue indécente dans la ville et les cités résidentielles protégées, ainsi que dans les établissements et espaces publics, pendant la saison estivale 2025.
Le président de l’Assemblée populaire communale de Chétaïbi,
- Vu la loi n° 66/155 du 8 juin 1966 relative aux procédures pénales et à leur application,
- Vu la loi n° 66/156 du 8 juin 1966 relative aux peines et infractions pénales,
- Vu la loi n° 84/09 du 4 février 1984 relative à l’organisation territoriale du pays,
- Vu la loi n° 03/02 du 17 février 2003 relative aux activités touristiques et à l’exploitation touristique des plages,
- Vu le décret exécutif n° 274/04 du 5 septembre 2004 fixant les conditions d’exploitation touristique des plages,
- Vu le décret exécutif n° 275/04 du 5 septembre 2004 fixant le nombre et le type des exploitations touristiques saisonnières des plages et espaces publics,
- Vu la loi n° 10/11 du 22 juin 2011 relative à la commune,
- Vu la délibération du conseil communal de Chétaïbi du 8 décembre 2021,
- Vu l’arrêté du 12 décembre 2021 portant désignation du maire par intérim en cas d’absence ou d’empêchement du maire élu,
- Vu l’arrêté ministériel du 16 mai 2024, émanant du ministère de l’Intérieur et fixant les mesures de prévention pendant la saison estivale,
Et dans le souci de préserver la morale publique et l’ordre dans la commune durant la saison estivale 2025,
Sur proposition du secrétaire général de la commune,
Décide ce qui suit :
Article premier : Il est interdit de circuler en tenue indécente dans la ville, les quartiers résidentiels protégés, ainsi que dans les établissements et espaces publics, durant la saison estivale 2025.
Article 2 : Les services de la sûreté communale et les autorités administratives sont chargés de l’application de cette décision qui prend effet à compter de sa date de signature.
Fait à Chétaïbi, le 7 juillet 2025.
(Signature et cachet du maire)
Le président de l’Assemblée populaire communale de Chétaïbi
⚠️ Note : Le terme « tenue indécente » (اللباس الغير لائق) n’est pas précisé dans le texte, laissant libre cours à des interprétations restrictives.
Ce type d’arrêté municipal n’est pas conforme aux libertés individuelles garanties par la Constitution algérienne. Le texte officiel : interdit de manière floue le port de vêtements « inappropriés » sans détailler lesquels. À ce stade, seul un recensement des sanctions ou avertissements donnés par la police municipale pourrait confirmer.
