Bgayet : Les dernières cités U mixtes d’Algérie menacées

Kabyle.com Bgayet – Un pas de plus vient d’être franchi par le pouvoir algérien dans l’embrigadement de la société en Kabylie. Alger, à travers ses ramifications administratives locales, a mis à exécution l’une de ses vieilles marottes : le bannissement de la mixité homme-femme dans les résidences universitaires de Bgayet (Béjaïa), seule région à abriter encore des cités U mixtes. Il semblerait que ce ne soit plus le cas, puisque les milliers d’étudiantes et d’étudiants qui y sont affectés cette année ont découvert, avec stupéfaction, que la résidence universitaire « 17 octobre 1961 », sise au quartier Séghir, n’abrite désormais que des filles.

Les réactions ne se sont pas fait attendre de la part des étudiants, à commencer par les résidentes, qui ont aussitôt organisé des sit-in à l’intérieur de l’enceinte pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme « une volonté de régenter la vie étudiante selon des principes idéologiques rétrogrades que rien ne peut justifier ». Aidées par les étudiants amassés devant le portail, elles ont alerté sur les risques qu’une telle séparation fait peser sur leur sécurité, maintenant qu’il n’y a plus leurs camarades masculins pour les défendre en cas d’atteinte.

Il convient de rappeler que la résidence en question ne logeait que des filles jusqu’en 1995. C’est à la suite de plusieurs dépassements graves commis par des membres du personnel que les résidentes avaient exigé que des garçons y soient introduits afin d’assurer leur sécurité. À l’issue de plusieurs rassemblements et d’une marche dans les rues de Bgayet, elles avaient fini par obtenir gain de cause. Depuis, l’ensemble des résidences universitaires de Bgayet, à l’exception d’une située au quartier Iheddaden, sont mixtes.

Cette décision soulève d’autant plus d’interrogations que le choix de cette résidence n’est pas anodin. On s’étonne, par ailleurs, du choix de cette structure comme résidence pilote pour exécuter cette nouvelle feuille de route restrictive, au point que certains observateurs se demandent s’il ne s’agit pas d’une forme de symbolique revancharde.

Mais aujourd’hui, d’aucuns pensent que cette ouverture forcée n’était qu’une parenthèse, avant que le pouvoir, d’obédience arabo-islamique, ne reprenne la main. Car s’il y a une constante en Algérie depuis 1962, c’est bien cette volonté inébranlable du régime de parachever le projet d’une société arabisée et islamisée intégralement, au moment même où des pays du Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite – berceau de l’islamisme – commencent à revoir leur copie en matière de politisation de la religion. En ce sens, la subsistance de cette mixité résiduelle en Kabylie a toujours été vue comme une tare à corriger par le pouvoir algérien et son allié objectif, l’islamisme. Si bien que chaque nouveau wali qui débarque à Bgayet(Béjaïa), au lieu de se consacrer au développement, fait du bannissement de la mixité dans les cités U l’une de ses deux priorités, avec la fermeture des bars et débits de boissons alcoolisées.

Cette année, à l’issue d’une répression féroce qui se poursuit encore ayant conduit à faire taire toute voix dissonante en Kabylie, le pouvoir algérien s’est sans doute senti les coudées franches pour passer à l’offensive. Pendant qu’il occupe la galerie à coups de matchs de football et de mascarades folkloriques, et qu’il interdit toute manifestation politique ou culturelle autonome, il travaille en sourdine main dans la main avec les islamistes pour faire main basse sur la Kabylie.

Massinissa. A.

Amar Benhamouche
Amar Benhamouche
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