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Algérie : « Ami de la Kabylie et d’Israël ? Direction le cachot »
En Algérie, défendre la Kabylie ou entretenir des liens, même symboliques, avec Israël suffit désormais à attirer la foudre du régime. L’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, au-delà de ses critiques du régime, met en lumière un schéma récurrent : toute voix dissidente ou perçue comme proche d’idées « interdites » devient une cible. Dans le système algérien, les soutiens à la cause kabyle ou les connexions, directes ou supposées, avec Israël sont synonymes d’isolement, voire de répression.
Boualem Sansal, l’écrivain sous surveillance
Arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, Boualem Sansal, écrivain franco-algérien renommé, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une affaire mêlant liberté d’expression, politique intérieure et tensions géopolitiques. Si les raisons officielles de son interpellation n’ont pas été confirmées, plusieurs indices pointent vers ses récentes déclarations critiques, mais aussi vers son image controversée au sein du pouvoir algérien.
En 2011, Boualem Sansal avait participé au Salon du livre de Jérusalem, un acte qui, dans le contexte algérien, avait fait de lui un « traître » aux yeux du régime. L’Algérie, dont l’idéologie officielle repose sur un rejet catégorique d’Israël et un soutien inconditionnel à la Palestine, utilise ce prétexte pour marginaliser toute figure publique ayant interagi avec des institutions ou des intellectuels israéliens.
En parallèle, Sansal avait récemment déclaré que la Kabylie représentait l’espoir d’une révolution en Algérie, s’attirant ainsi l’ire d’un régime qui considère toute forme de soutien à la Kabylie comme un acte de séparatisme. Il avait affirmé que « seule la Kabylie est en mesure de mener une révolution en Algérie », une déclaration qui, dans le contexte actuel, pourrait être interprétée comme une incitation au séparatisme et un soutien implicite à Ferhat Mehenni, figure emblématique et président du gouvernement kabyle en exil. Ce sujet, hautement sensible, reste un tabou majeur et une source de profond agacement pour le régime militaire algérien.
Selon certains observateurs, le point de rupture semble être une série de déclarations sensibles diffusées sur YouTube, dans lesquelles Boualem Sansal aborde la question des frontières historiques entre l’Algérie et le Maroc. En affirmant que des régions comme Tlemcen et Oran faisaient historiquement partie du royaume marocain avant la colonisation française, l’écrivain aurait, selon les autorités algériennes, franchi une ligne rouge en remettant en cause l’intégrité territoriale du pays. Ces propos, relayés et amplifiés par des médias marocains, auraient exacerbé les tensions et provoqué l’ire du régime.
Kabylie et Israël : les lignes rouges du régime algérien
Le régime algérien a, depuis des années, défini deux lignes rouges infranchissables : la question kabyle et tout rapprochement, réel ou supposé, avec Israël. Ces deux sujets sont systématiquement manipulés pour alimenter la rhétorique nationaliste et consolider le pouvoir en place.
1. Kabylie : un bastion de la dissidence
La Kabylie, région montagneuse et foyer de la culture berbère, est un symbole de résistance politique et culturelle en Algérie. Avec des revendications autonomistes portées par le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) et son président en exil, Ferhat Mehenni, la région est perçue comme une menace existentielle par le régime. Ce dernier qualifie le MAK de « mouvement terroriste » et accuse régulièrement ses sympathisants de comploter contre l’unité nationale.
Pour Boualem Sansal, ses déclarations en faveur d’une possible révolution menée par la Kabylie l’ont placé directement dans la ligne de mire des autorités, qui n’hésitent pas à associer de tels propos à une incitation au séparatisme.
2. Israël : un prétexte facile pour discréditer
Le régime algérien utilise également la question israélo-palestinienne comme un outil pour ostraciser ses opposants. Toute personne accusée de lien avec Israël, qu’il soit culturel, intellectuel ou simplement symbolique, est immédiatement diabolisée.
Boualem Sansal, par son voyage en Israël en 2011, est devenu un bouc émissaire parfait. Dans une société où le soutien à la Palestine est profondément ancré, cette accusation permet de détourner l’attention des véritables enjeux : les libertés réprimées, l’injustice sociale et la crise économique.
Un régime qui instrumentalise la peur
L’arrestation de Sansal s’inscrit dans une stratégie plus large du régime algérien, qui consiste à utiliser la peur pour écraser toute opposition. Être favorable à la Kabylie ou critiquer les dogmes historiques de l’Algérie, comme Sansal l’a fait en évoquant les anciennes frontières avec le Maroc, revient à défier un système obsédé par le contrôle de son récit national.
L’Algérie use de « pratiques staliniennes » pour punir quiconque s’écarte de la ligne officielle. Cette approche vise à consolider un pouvoir en perte de légitimité en créant des ennemis imaginaires.
Silence international et hypocrisie
Alors que la France et d’autres pays expriment leur inquiétude concernant l’arrestation de Sansal, peu osent dénoncer frontalement les pratiques du régime algérien. En réalité, les intérêts économiques et géopolitiques entre Alger et ses partenaires occidentaux freinent toute critique directe.
Pourtant, l’affaire Boualem Sansal est un test pour les défenseurs de la liberté d’expression. Emmanuel Macron, qui s’est dit « très préoccupé », a l’occasion d’envoyer un message clair à Alger : la répression des intellectuels et des militants ne peut être tolérée.
L’arrestation de Boualem Sansal illustre une intensification de la répression exercée par le régime algérien contre ses opposants, où la liberté d’expression devient un privilège réservé à ceux qui se plient à la ligne officielle.
Dans un contexte où toute critique est perçue comme une menace, les accusations de proximité avec la Kabylie ou Israël servent d’outils de disqualification politique pour étouffer les voix dissidentes. Pour Boualem Sansal, comme pour d’autres intellectuels, cette arrestation symbolise un combat pour la vérité et la liberté face à un régime autoritaire.
En choisissant la nationalité française et en quittant une Algérie qu’il qualifiait de « politiquement étouffante », Boualem Sansal exprimait son rejet d’un système qui l’oppressait. Mais son interpellation, survenue alors que les relations entre Alger et Paris traversent une période d’extrême tension, s’inscrit également dans une stratégie plus large : envoyer un message à la France tout en consolidant un climat de peur en Algérie.
C’est un pays dangereux pour voyager!