Kabylie : l’heure du choix – entre l’identité retrouvée et l’assimilation subie

Le destin de la Kabylie, terre ancestrale des Imazighen, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Face à une histoire post-indépendance marquée par une confrontation politique persistante avec le pouvoir central algérien, les Kabyles sont confrontés à une alternative existentielle, un choix binaire qui engage l’avenir de leur identité, de leur culture et de leur langue. Ce dilemme, souvent tu ou minimisé, se résume à deux voies radicalement opposées : la lutte pour une Kabylie kabyle ou l’acceptation d’une citoyenneté de seconde zone au sein d’un État-nation dont le projet idéologique est perçu comme fondamentalement hostile à leur essence.

La première Voie : la lutte pour une Kabylie kabyle

La première option est celle de la rupture et de l’affirmation souveraine. Elle est portée par la conviction que la survie de l’identité kabyle – avec ses fondements démocratiques, laïques et berbères – ne peut être assurée que par la pleine maîtrise de son destin politique, économique et culturel.

L’Impératif Identitaire et Culturel

Cette voie est avant tout un combat pour la reconnaissance et la pérennité de l’identité kabyle dans toute sa richesse. Elle englobe :

la langue (Taqbaylit) : la lutte pour que le Kabyle (une variante du Tamazight) soit non seulement reconnu, mais pleinement utilisé et enseigné comme langue officielle et de travail, loin des tentatives d’arabisation et d’uniformisation linguistique.

La culture et les traditions : la préservation et la promotion des thajmaɛt (assemblées villageoises), des valeurs de laïcité et de démocratie sociale qui ont historiquement caractérisé la société kabyle, et qui sont souvent en contradiction avec l’idéologie arabo-islamique promue par l’État central.

l’économie : la possibilité de développer une économie locale, libérée des contraintes et des politiques centralisées, permettant à la région de prospérer en exploitant ses propres ressources et son potentiel humain.

Pour les partisans de cette voie, l’histoire a montré que le pouvoir algérien, depuis 1962, a systématiquement cherché à éliminer ou à marginaliser les figures historiques kabyles et à stigmatiser le « berbérisme » comme une menace à l’unité nationale. L’article de The Conversation rappelle que cette pratique anti-kabyle a des racines anciennes au sein même du mouvement nationaliste algérien, culminant avec l’élimination des chefs historiques kabyles du FLN. La seule garantie de survie réside donc dans l’autodétermination.

Le refus de l’assimilation

Ce choix est un rejet catégorique de la définition arabo-islamique de la nation algérienne. Il s’agit de s’opposer à un système qui, par sa nature, relègue l’identité amazighe au rang de folklore ou de composante secondaire, subordonnée à l’arabité et à l’islamité. La lutte vise à créer un espace où l’identité kabyle peut s’épanouir sans la suspicion et la répression qui ont marqué les crises successives (1963, 1980, 2001-2002, 2021-2022).

La Deuxième Voie : La Kabylie algérienne et la rétrogradation

La deuxième option est celle de la résignation ou de l’espoir illusoire au sein du cadre étatique actuel. Elle implique de rester un « Kabyle algérien », acceptant de fait les limites imposées par le système en place.

La citoyenneté de second rang

Cette voie conduit, selon l’analyse proposée, à une rétrogradation au statut de « second humain ». Le Kabyle est alors contraint de vivre sous un système dont l’idéologie officielle est l’arabo-islamisme. Cela se traduit par :

L’oppression systémique : le pouvoir central utilise la Kabylie comme un « adversaire intérieur » facile à désigner à la vindicte populaire pour légitimer son autoritarisme. La défiance de la Kabylie se manifeste d’ailleurs par une participation quasi-nulle aux scrutins nationaux, signe d’un profond désengagement et d’une méfiance envers les institutions.

l’éradication culturelle : l’identité kabyle est perçue comme une menace à l’unité nationale, justifiant des politiques visant à bannir ou à marginaliser la culture et la langue. L’espoir de voir l’Algérie devenir véritablement amazighe est considéré comme impossible par les tenants de la première voie, car l’idéologie dominante est trop profondément ancrée dans les structures de l’État.

L’Illusion d’une Algérie Amazighe

L’argument central de cette perspective est que l’attente d’une Algérie qui embrasserait pleinement son amazighité est une chimère. L’histoire du pays depuis l’indépendance, avec la marginalisation et l’élimination des leaders kabyles, suggère que le système est structurellement incapable d’accepter une conception laïque et plurielle de la nation. Continuer à se battre pour une reconnaissance au sein de ce système revient à s’épuiser dans une lutte dont l’issue est déjà scellée : l’assimilation progressive et la perte des fondements identitaires.

Une finalité claire

Le dilemme posé est celui de la survie identitaire. Soit la Kabylie choisit de prendre son destin en main, de se doter des outils politiques et économiques nécessaires pour garantir la pérennité de son identité, de sa langue et de sa culture, quitte à s’engager dans une lutte pour l’autodétermination. Soit elle choisit de rester dans le giron d’un État qui la perçoit comme un ennemi intérieur, au risque de voir son identité se diluer et ses aspirations démocratiques étouffées.

La finalité, pour les défenseurs de la première voie, est claire : l’indépendance n’est pas seulement une option politique, mais la seule garantie de salut pour que la Kabylie puisse vivre en paix et en harmonie avec elle-même et avec les autres nations, loin de la répression et de l’idéologie d’uniformisation. Le choix est entre l’existence pleine et entière et la subordination perpétuelle. »

Par Allas At Musa.

Rédaction Kabyle.com
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