Stop à l'humilitation, agissons !
Libérer les prisonniers d'opinion Kabyles

45e Printemps amazigh : honorer la mémoire, maintenir la flamme
Il y a quarante-cinq ans, le 20 avril 1980, la Kabylie faisait irruption sur la scène politique mondiale avec une force qui n’a jamais cessé d’inspirer. Ce jour-là, une jeunesse en quête de dignité, d’identité et de liberté faisait trembler un pouvoir algérien sourd à la diversité du pays. C’était le début du Printemps amazigh. Depuis, chaque 20 avril, malgré les interdictions, les intimidations et les silences d’État, les voix kabyles et amazighes n’ont cessé de se faire entendre.
Le point de départ : Mouloud Mammeri et la poésie interdite
Le 10 mars 1980, l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne à l’université de Tizi-Ouzou mit le feu aux poudres. L’écrivain, linguiste et intellectuel, connu pour son engagement en faveur de la langue amazighe, cristallisait alors des décennies de frustration identitaire.
Cette censure symbolisait le refus de l’État algérien de reconnaître la richesse linguistique et culturelle du pays. Mammeri, par ses œuvres, ses recherches, son calme et sa rigueur, reste l’un des pères spirituels du renouveau amazigh. Son nom, son combat, devraient figurer dans chaque manuel, dans chaque rue, dans chaque mémoire.
2001 : un autre printemps, plus noir, plus douloureux
En avril 2001, à peine 21 ans après Tafsut n Imazighen, la Kabylie fut à nouveau le théâtre d’une insurrection populaire, cette fois déclenchée par la mort du jeune Massinissa Guermah, tué dans une brigade de gendarmerie. Ce fut le début du Printemps noir, marqué par la mort de 128 jeunes, pour la plupart désarmés, et des milliers de blessés.
Ces visages, ces noms — Kamel Irchane, Nassim Amriou, Lounès Mebarek, Rachid Aïssat… — font partie de notre histoire collective. Leur mémoire ne doit pas être invoquée uniquement en avril, mais enseignée, transmise, revendiquée comme un droit à la vérité et à la justice.
2025 : encore des prisonniers pour une langue, une identité
Aujourd’hui encore, 45 ans après 1980, des militantes et militants amazighs sont emprisonnés pour leurs idées, leurs drapeaux, leurs publications sur les réseaux sociaux. Des jeunes sont condamnés pour avoir levé un drapeau, partagé un poème, participé à un débat.
Les prisons algériennes, comme marocaines, comptent des détenus d’opinion amazighs, souvent oubliés par les médias. Cette réalité montre que le combat pour les droits culturels et politiques est loin d’être terminé.
Kabyle.com demande la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion, et appelle à une solidarité active, concrète, avec leurs familles, leurs avocats, leurs causes.
1980 – 2025 : 45 ans de luttes, de mémoire et de résilience
Le Printemps amazigh est né à la croisée des luttes culturelles et des aspirations démocratiques. Il n’a pas seulement réveillé une conscience linguistique ; il a porté l’exigence d’un État pluriel, respectueux de ses peuples et de ses langues. Tizi-Ouzou, Vgayet, puis d’autres villes et villages ont été les premiers foyers d’une contestation pacifique mais déterminée, initiée par des étudiants, des enseignants, des artistes, des anonymes.
Puis vinrent d’autres dates, d’autres soulèvements. 1994-95, avec la grève du cartable et les revendications linguistiques en Tamazight. 2001, avec le Printemps noir, et ses 128 morts, des jeunes pour la plupart, tombés sous les balles d’un régime qui n’a jamais su écouter. Ces dates ne sont pas que des repères historiques : elles sont devenues des symboles, des jalons dans la construction d’un peuple en quête de reconnaissance.
Chaque 20 avril, et au-delà : construire un calendrier de la visibilité amazighe
Aujourd’hui, le combat n’est plus seulement kabyle. Il est amazigh, il est transfrontalier, porté par des générations qui ont grandi entre l’effacement programmé et la résurgence numérique. Il est temps d’aller plus loin.
Le 20 avril doit devenir un repère annuel, un appel à la mobilisation, à la transmission, à la visibilité. Mais d’autres dates doivent aussi trouver leur place dans notre calendrier collectif :
- 13 janvier (Yennayer) : Nouvel An amazigh, fêté comme repère identitaire
- 25 janvier : création de l’Académie berbère (1966)
- 21 février : Journée internationale de la langue maternelle
- 10 mars : Commémoration de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri à Tizi-Ouzou.
- 20 avril : Printemps amazigh – assaut militaire contre l’université de Tizi-Ouzou. C’est le déclenchement violent du Printemps amazigh
- 3 mai : Journée mondiale de la liberté de la presse
- 14 juin : Jour de la Nation kabyle
- 18 juin : assassinat de Matoub Lounès (1998)
- 1er juillet : Journée de la langue amazighe
- 9 août : Journée mondiale des peuples autochtones
- 30 août : Journée du drapeau amazigh – Jour de la Nation amazighe. Premier congrès du Congrès Mondial Amazigh (CMA) à Tafira (Îles Canaries) le 30 août 1997.
- 17 octobre : Journée de l’exil et de la diaspora
- 1er novembre (à revisiter à l’aune du rôle effacé des résistants amazighs dans la guerre de libération)
Il ne s’agit pas de créer un contre-calendrier, mais de redonner une visibilité pérenne à ceux qui ont été trop longtemps relégués aux marges du récit national.
Loin des mots d’ordre, proche des peuples
À la différence des communiqués politiques, ce que Kabyle.com porte depuis sa création, c’est la voix du terrain, la mémoire vivante, la pluralité des récits. Nous ne croyons ni aux slogans vides ni aux grandes messes. Ce qui nous importe, c’est que dans chaque village, dans chaque quartier de diaspora, une jeunesse puisse dire : je suis amazigh(e), et je suis là.
Ce 45e Printemps amazigh est à célébrer sans attendre d’autorisation, sans crainte d’interdiction. Il appartient à chacun de réinventer la manière de commémorer, par un chant, une marche, une publication, une vidéo, un poème. Et pourquoi pas un un podcast, un lexique kabyle en ligne, un quiz en tamazight ? La mémoire ne survit pas dans les archives ; elle vit par l’usage.
Et maintenant ?
Ce 20 avril 2025, partout en Kabylie, au Maroc, en Libye, dans la diaspora, des femmes et des hommes marcheront, chanteront, publieront. D’autres se tairont, mais garderont la flamme en eux. À chacun son mode d’expression.
Kabyle.com invite ses lecteurs à partager leurs témoignages, leurs archives, leurs créations. Nous lançons un appel à contributions, pas seulement pour documenter le passé, mais pour écrire ensemble un avenir amazigh numérique, ouvert, multilingue et résolument enraciné.
45 ans après, le printemps ne s’est pas fané. Il bourgeonne chaque année, à chaque prise de parole, à chaque article publié, à chaque enfant nommé Massinissa, Lalla, Tinhinan ou Aksel. Le temps est venu de rendre cette floraison visible, durable, collective.