Vérité sur les crimes de l’OAS en Kabylie et en Algérie

Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962) et du peuple kabyle.

Exposition du quotidien des historiens de l’immédiat érigée en re-configuration de la mémoire algérienne et française durant la période de transition.

Le travail de mémoire est essentiel pour vivre ensemble. Sa réalisation est nécessaire, elle dissipe les rapports de haine entre les individus et les Etats. Un grand nombre de pays a entrepris la mise en lumière de faits meurtrieusement indicibles. La restitution des actes barbares quels qu’ils soient, doivent être dénoncés, pour que subsistent après la terreur, des liens heureux entre les hommes.

Un lien est un bien commun. Et un bien n’est pas un bourdonnement inutile de mots répétés réduisant à l’indigence l’humain. Bien au contraire, sans lien, pas de bonheur pour la communauté, pas de possibilité de construction heureuse d’une histoire pour les collectivités. Le devoir de mémoire reconnaît la dette contractée du présent à l’égard de ce qui a eu lieu en retenant un contenu de perception sensible à travers une persévérance de vie en commun. Cette obligation morale à l’endroit du vécu sensible est valable pour tous les peuples, et l’Algérie n’échappe pas à cette nécessité. Mais il ne s’agit pas seulement là d’un devoir de mémoire. Ce que recueille Mohand-Rachid Zeggagh dans Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie sert de matériau indispensable pour faire l’histoire de la guerre et l’après guerre en Algérie.
Des récits sur la guerre d’Algérie existent, et les moyens de rendre visible ce passé sont possibles  malgré les décrets d’Amnisties. Mais l’histoire ignore encore la mémoire d’un peuple martyrisé. Est-ce le passage des Algériens à l’aveu par la torture et par des français qui coupe le souffle aux historiens du souci de toute représentation ? Au-delà de mes présuppositions, il y a ce qui a eu lieu, et qui ignoré, se reproduit.

Les assassinés algériens et européens sont encore les grands absents du champ social et politique français. Nommer l’indicible, nommer cet égorgé carbonisé qui fait fonction de réverbère et qui se balance sur un fil de linge entre deux immeubles à Alger, amusant certains européens d’Algérie. Nommer le jeu de tirs sur la nuque des algériens, dans la rue, en toute liberté. Nommer des charniers et des charniers de cadavres sans possibilité d’identifier les victimes… Nommer toujours, au delà de toutes les amnisties, pour construire l’avenir, relève de l’ordre d’une nécessité.

Après Prisonniers politiques FLN en France, ouvrage hautement instructif concernant les trois longues grèves de la faim dans les prisons françaises durant la guerre d’Algérie (1954/1962), Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie relate le terrorisme des groupe Delta de l’OAS après l’indépendance.

De 1957 à 1962, Rachid Zeggagh est prisonnier en France. Il quitte la prison de Loos, peu après la publication du décret d’Amnistie du 22 mars 1962 contemporain des « Accords d’Evian ». Rachid Zeggagh est transféré de France en Algérie, à la prison de Lambèse. Il est libéré, le lendemain de son arrivé à Batna, le 8 avril 1962.
A sa libération, son combat pour la paix et la liberté en Algérie ne fait que commencer. Après toutes ses années de prison en France accompagnées des trois grèves de la faim pour obtenir la reconnaissance du statut de prisonnier politique, il n’a pas le temps de souffler. Sa fonction de commissaire de police à Alger, dès avril 1962, le place, comme il le signale lui-même, « aux premières loges de l’action de sécurisation des populations conduites par le ZAA ».
Frère de cellule et compagnon d’armes dans la lutte contre la barbarie, Laïd Lachgar , souligne, dans la Préface du « livre-documents » de Rachid Zeggagh ceci : « à la suite des accords d’Evian et du cessez-le feu du 19 mars 1962 (…) Nous nous sommes retrouvés à Alger, dès la première création, le 3 avril 1962, de la Zone autonome d’Alger (ZAA), cette structure était dirigée par le commandant Azzedine, Omar Oussedik et le capitaine Moktar. La zone était chargée par le GPRA et le FLN d’assurer la sécurité physique et sanitaire ainsi que l’approvisionnement des populations pendant la période de transition entre le cessez-le-feu et l’indépendance ».

Vérité sur les crimes de l’OAS en Algérie de Rachid Zeggagh s’attache précisément à l’objectivité de la presse française de l’époque. C’est à elle qu’il confie le soin de relater un terrorisme quotidien pendant cette fameuse période de transition. Quatre cent articles de presses exclusivement français, trente-cinq journalistes français, lui permettent de retracer, de juin 1961 à juin 1962, une histoire, qui, sans tomber dans l’événementielle, met en relief, les tueries de l’OAS. Douze quotidiens nationaux français de tout bord politique décrivent des crimes qui défient la raison.Mohand-Rachid Zeggagh recentre épistémologiquement les événements terribles qui sont survenus après l’indépendance algérienne. La presse reste une traçabilité historique qu’il offre  pour déchiffrer ces nuits bleues d’horreur commises par l’OAS. Ce témoin et cet allié de l’historien répertorie jour après jour dans la presse de l’opinion, les assassinats, les incendies, les hold-up etc. en confrontant les journaux (La Croix, l’Aurore, Le Populaire, le monde, Libération, L »Humanité, Le Figaro, Paris Jour, Combat, Paris-Presse, Témoignages et Documents, Le Parisien, etc.).Ici, la dimension du récit ne passe pas par la subjectivité d’un ancien prisonnier FLN mais par des commentateurs de la presse nationale française. L’histoire ne peut s’émanciper de ces « historiens de l’immédiat » qui relataient quotidiennement la mort.
Témoigner seul aurait été une véritable gageure. Un livre fondé sur son unique témoignage aurait été disqualifié par la presse actuelle. Ancien primo-adhérent du FLN, son propre témoignage aurait été décrédibilisé, mais comment décrire les crimes horribles des membres des groupes Delta, même pendant cette période de cessez-le-feu, entre la France et l’Algérie, le 19 mars 1962 ?
Laïd Lachgar écrit : « Comment dire que des Algériens étaient suspendus au travers d’une rue de Bab El Oued et imbibés d’essence pour les transformer en torches humaines ? » « Comment rendre-compte, à 50 ans de distance, de crimes ordonnés et exécutés par les tueurs des groupes Delta de l’OAS, dans la principale et chic avenue d’Alger, rue Michelet à l’époque, qui assassinaient plusieurs algériens tous les cinquante mètres, d’une seule balle dans la nuque, comme s’il s’agissait d’un concours de tir ? Comment dire et être cru aujourd’hui) que les cortèges funéraires algériens se rendant au cimetière d’El Kattar étaient soumis à des fusillades par l’OAS à partir de terrasses d’immeubles de Bab El Oued ? Comment parler des enseignants exécutés » ?
Comment, en effet, ne pas être discrédité par la presse actuelle française même et par le public, lorsque l’on raconte à titre individuel des crimes d’une telle intensité ? Mohand-Rachid Zeggagh fait donc le choix de la presse de l’époque pour narrer l’indicible barbarie d’une époque qui hésite encore à divulguer des mots. Les figures de malheur qui ont répandu le sang de femmes et d’hommes » ont fait erreur sur leur prédication en croyant que les Algériens se vautreraient dans la douleur vengeresse. La vengeance contre les Européens d’Algérie n’a pas eu lieu après l’indépendance. Le souci de justice n’est pas le désir de vengeance. Dans ce répertoire de crimes, il n’y a aucun désir de vengeance mais l’acte même d’une volonté de mettre à nue le réel. Il y a cette mémoire qui inscrit dans l’histoire ce qu’il y a comme Vérités à y déposer. Aucune figure de malheur n’a repris la place des criminels. Il y a, dans ce courageux « livre-document » un travail de mémoire. Il y a à découvrir les tueries et les attentats. Il y a à mettre le contenu du réel dans la fin d’une guerre sans nom,  au nom précisément du pacte de vérité que la grande histoire doit entretenir avec le passé.
 

Créée le 11 janvier 1961 à Madrid, l’Organisation Armée Secrète (OAS) est divisée en trois branches. Créatrice de névroses, son but est principalement de créer la terreur, de détruire la raison par la violence extrême, chez les Européens qui ne les suivraient pas, et parmi la population algérienne :
« Le temps des assassins (Gérard Marin : Le Figaro du 21 novembre 1961) ».  « Alger la Blanche est devenue capitale de la série noire. La nouvelle mafia ne frappe plus seulement ses ennemis déclarés ou les policiers coupables d’accomplir leur mission. Elle impose définitivement silence à ceux baptisés traîtres pour la circonstance qui se refusent à penser ou à agir selon ses goûts, qu’ils soient Européens ou Musulmans, pilote de ligne, médecin, officiers, homme politique, ou encore cafetier et chauffeur de taxi… Les assassins ont quitté les bas-fonds. La menace est partout. Psychose, oui, qui se fait vite tragédie. Le temps d’une rafale. Rares sont les nuits où le claquement rageur des mitraillettes ne se mêle pas aux explosions qui secouent la ville. Rares les journées qui n’apportent leur fournée de cadavres. L’autre matin, on a trouvé un corps nu et torturé dans un caniveau. Jeté parmi les ordures. Ce soir, la peur rôde malgré les rondes incessantes des patrouilles casquées ».
Les drames se poursuivent… (Voir articles du livre). La chasse à l’arabe est un bal meurtrier ordinaire. Les Enfers sont fabriqués même après l’instauration du cessez-le-feu.

La Croix du 28 mars 1962 : « Alors que les musulmans gardent un calme presque absolu, et que l’on ne signale plus une seule opération militaire, l’OAS multiplie les provocations. Contre les militaires, on le sait assez, en utilisant la foule européenne qui est « poussée dans la rue en tant que masse et marée humaine », comme l’indiquait Salan dans sa directive du 23 février. Contre les musulmans aussi, comme s’il n’y avait pas assez de victimes inutiles, des commandos de tueurs ont assassinés hier après-midi 10 musulmans dans le quartier algérois de Belcourt, tandis qu’à Aïn Temouchent, dans l’ouest orantes, un autre commandos en voiture mitraillait la foule musulmane ». (…) « Attentats et Hold-up à Alger. 8 morts et 1é blessés. 32 millions d’AF volés » (…) « Les locaux d’Air France dévastés par une explosion ».

Libération, fin mars 1962 : deux hold-up à Alger, cinq hold-up à Oran (…). Parmi les attentats commis dans la journée d’hier, 18 blessés),  les attentats à Oran (5 attentats, 5 morts, 8 blessés) et Alger (18 attentats, 6 morts, 18 blessés), les attentats commis par l’OAS contre les musulmans, mais aussi contre des Européens, et notamment contre un déménageur algérois) ont été de loin, les plus nombreux.

Le Figaro, 3 avril 1962, « Six obus de mortier tirés par l’OAS tombent sur la Casbah – Sept blessés musulmans. (…) près de 30 millions d’AF ont été enlevés dans les banques et bureaux de poste. Les attentats individuels et fusillades ont fait sept morts dont 2 Européens et 8 blessés, tous musulmans..

Le Parisien, le 4 avril 1962, « Alger : un groupe de quinze tueurs de l’OAS mitraille les malades musulmans d’une clinique de la Bouzareah » « Dix morts, dont un vieillard (…) et six blessés, tous musulmans ». « De son côté, l’agence France-Presse : « Quelques-uns des malades  qui ont eu le temps de sauter par les fenêtres courent éperdument en tous sens. les tueurs se lancent à leur poursuite. L’une des victimes s’écroule, la tête éclatée, sous un massif de glycines, au pied d’un mur. Des brassées de fleurs arrachées par les balles le recouvrent en partie. Un autre sera découvert à trente mètres de la clinique au milieu d’un carré de petits pois. C’est trop moche… venez voir ça », dit les larmes aux yeux, un petit sergent rouquin. Sur le seuil de la chambre 3, une flaque de sang s’étale. Sur les trois lits, des draps sanglants. Dans la chambre 4, même vision de cauchemar (…) ». Le Monde, du 4 avril 1962 « Tandis que l’exécutif provisoire se met lentement en place : l’OAS commet en Algérie de nouveaux crimes : 1) neuf musulmans tués dans une clinique à Alger – 2) deux officiers d’intendance assassinés à Oran ».
Le Monde du 5 avril 1962 : « Alger, 4 avril. – Le bombardement » de la Casbah lundi soir, le massacre de la clinique Beau-Fraisier mardi matin (vont-ils ouvrir les yeux des Européens d’Alger) on n’ose l’espérer. cette fois encore,  comme il y a quinze jours lors de l’exécutions de Ben-Aknoum, les uns parlent de « provocations », les autres affirment, comme si c’était « une excuse », qu’il y a des membres du FLN parmi les victimes du Beau-Fraisier. C’est cela l’intoxication.
L’Aurore du 6 avril 1962 : Alger : beaucoup de musulmans s’abstiennent encore de reprendre le travail ». (…) Les attentats individuels contre les musulmans se poursuivent en différents points de la ville ». Cependant les coups de feu ont été tirés à midi 25 contre des Européens en plein centre commercial, rue Mogador, (…).
Le Parisien du 7 avril 1962 : « ce devait être la journée des drapeaux, ce fut celle du sang (…). En début de soirée, le bilan de ces attentats était, selon l’AFP, de 24 agressions, 23 morts, dont quatre français de souche et de 12 blessés, dont deux Français de souche. (…). Chacun de ces attentats a été commis par l’OAS. « L’humanité du 7 avril 1962 : Trente-huit morts hier à Alger où l’on a compté un attentat OAS toutes les dix minutes ». (…) Il ressemblait à un Algérien : il est tué ». Le Figaro du 7 avril 1962 : « Vague de terrorisme OAS (23 morts, 12 blessés) (…)  « L’organisation subversive, après ses échecs récents, cherche à provoquer un soulèvement des musulmans contre les Européens ». (…) « Alger, 6 avril. – 10 h 50 rue d’Isly (…)Un musulman d’une trentaine d’année est allongé sur le trottoir, tué net d’une balle dans la tête. Il a encore les deux mains dans les poches de son bleu de travail. (…) « La foule se tait ». L’Aurore du 7 avril 1962 : « Nouvelle journée sanglante : un cadavre tous les 50 mètres, rue Michelet, ce matin ». (…) en fin de soirée, un premier bilan faisait état déjà de 27 attentats ayant fait 23 morts, dont 5 Européens, et 18 blessés, dont 2 Européens. Ce matin, entre 8 h et 11 h, ces attentats ont été perpétrés à un rythme effrayant et – note le correspond du pays. – Dans la rue Michelet les cadavres jonchaient les trottoirs de 50 mètres en 50 mètres ». (…) La plupart des victimes sont des musulmans (…) ».
Libération du 10 avril 1962 « La chasse à l’arabe d’hier a fait 14 morts et 9 blessés Algériens ». (…) Nouvelles arrestations au seine l’OAS : trois dans l’Ouarsenis, vingt-sept à Alger ».Combat du 10 avril 1962 : « Ce sont trois bombes qui ont éclaté presque simultanément dimanche soir, vers 22 h35, dans l’Université d’Alger. (…) L’un des engins – une charge de trois kilos – a explosé dans le laboratoire de chimie biologie. Le second à l’intérieur de l’Institut d’énergie solaire et le troisième devant la porte des professeurs de droit. (…) Au total dans la journée d’hier, le bilan des attentats, tous imputables à l’OAS, s’élève à 12 morts et 8 blessés ». Paris-Presse du 10 avril 1962 : « En se manifestant ainsi, au coeur des Facultés, (…), il semble qu’ils soient bien décidés à « tout faire sauter » plutôt que de laisser les plus belles des réalisations techniques de la France passer sous le contrôle du futur gouvernement algérien ». « Ils ont fait hier, à Alger, 18 morts dont 17 musulmans et 54 blessés dont 16 militaires ».
Libération du 11/12 avril 1962 : « A Alger : encore 9 musulmans victimes de l’OAS ». (…)  « Encore des attentats à l’explosion contre l’Université d’Alger ». Le Monde du 12 avril 1962 « Alger : neuf gendarmes blessés l’autre nuit par un tir de mortier sur le palais d’été. Attentats et mitraillages se sont poursuivis hier. Quatorze membres de l’OAS arrêtés au cours de perquisitions ». (…) Ce matin, entre 9 h et midi, 6 musulmans ont été tués et 9 autres blessés en plein centre ville. (…) Cela se passe chaque fois de la même façon. On entend une détonation, rarement deux : un musulman s’écroule dans une mare de sang. C’est du travail de spécialiste. Le commando comprend généralement trois hommes : le tueur et ses deux gardes du corps… ». La Croix du 12 avril 1962 : « (…) le bilan quotidien de la « chasse aux musulmans » reste régulier et lourd. (…) il n’y a plus une société, une entreprise qui n’enregistre chaque jour de nouvelles absences parmi le personnel musulman ».
Le Figaro du 13 avril 1962 « Un officier supérieur assassiné par l’OAS – L’autorité militaire : vingt-deux officiers déserteurs arrêtés entre le 6 février et le 7 février ». L’Aurore du 13 avril 1962 « Installations détruites à la tour de contrôle de Maison-Blanche ».
Libération du 14 avril 1962 : « Dimanche soir à 19 h 30, à l’émission « Dix millions d’auditeurs » de Radio-Luxembourg, M. Raymond Cartier, de « Paris-Match faisait un éditorial : il commentait le monstrueux attentats d’Issy-les-Moulineau. Pour condamner les assassins de l’OAS ? Pas du tout : M. Raymond Cartier tenait à dire qu’il « voulait espérer » que les auteurs de l’attentat étaient les « extrémistes du FLN ». Cinq musulmans en voiture qui s’étaient enfuis après avoir provoqué un accident rue Michelet à Alger, ont été pris en chasse par des Européens qui ont ouvert le feu. Un musulman a été tué et trois autres blessés ». (…) Bilan de la journée en Algérie : 30 attentats : 17 morts, 38 blessés ». Le Figaro du 14 avril 1962 : « Alger, 13 avril. – Attentats et fusillades ont repris une nouvelle fois à Alger, après le calme relatif de la journée d’hier. L’incident le plus violent et le plus spectaculaire – si pareil fait mérite d’être qualifié de spectacle » ! – s’est déroulé cet après-midi dans le centre ville. Cinq musulmans, à bord d’une traction noire, descendaient la rue Michelet lorsqu’ils heurtèrent et renversèrent, à la hauteur de la rue Hoche,un scooter monté par un jeune Européen. (…) Les cinq occupants prirent la fuite en courant. Des passants se jetèrent alors à leur poursuite. D’autres Européens en voiture, dressèrent des barrages avec leur véhicule pour bloquer les fuyards. Des coups de feu partirent. Quatre des musulmans s’écroulèrent frappés par des balles ».  (…) Série d’attentats dans la rue Michelet (…) bilan des victimes 10 morts, tous musulmans et 1é blessés dont 3 Européens (…).  « A 16 h 20 (…) voie (…) vers l’aéroport de Maison-Blanche, cinq Européens à bord d’une voiture ont tiré plusieurs rafales de mitraillette sur un groupe  de musulmans qui attendaient un autobus (…) La Croix du 14 avril 1962 « C’est un jeune Européen qui a assassiné le commandant Bourgogne du 2ème bureau ».
L’Aurore du 23 avril 1962 « Alger : pas de grève Pascale, près de 70 morts et blessés ». « Alger, 22 avril. (…) Alger est le seul pays au monde sans doute où le sang a coulé pour ces fêtes Pascales. le bilan des victimes est un des plus lourds depuis le début de la rébellion (…) ».
Libération du 25 avril 1962 « Le stupeurs de l’OAS se déchaînent – Nouvelles et sanglantes « ratonnades » à Alger : 14 morts ». L’Aurore du 25 avril 1962 « Alger : 18 morts hier et 14 blessés ».
La Croix du 27 avril 1962 « Nouvelle journée de violence (…) On y a enregistré 23 attentats, presque tous commis par des Européens et dirigés contre des musulmans. (…) Fusillades (…) Deux marchands de légumes musulmans (…) ont été tués à 13 h (…) dans le quartier du champ de manoeuvres ». Le Figaro du 27 avril 1962 « Alger : nombreux attentats individuels hier-onze morts, 17 blessés (…).
Le Monde du 2 mai 1962 : « Huit morts et près de trente attentats à l’explosif dimanche dans l’agglomération algéroise ». (…) 164 morts, 269 blessés du 1er au 15 avril ». Le Figaro du 2 mai 1962 « Attentats à Alger : 21 morts en 48 heures ».
Le Populaire du 4 mai 1962  » Après la journée d’Alger (bombe du port d’Alger contre les dockers, 60 morts et 130 blessés.
Le Monde du 6 mai 1962 : « L’explosion du camion d’essence (…) Les morts – il y en a deux, un musulman et une Européenne (…) et les blessés, une vingtaine(…). Trois Européennes sauvées par un musulman (…).
Le Monde du 8 mai 1962 : « Cinq attentats ont été commis avant 8 h lundi matin, à Alger (…) un terroriste a mortellement blessé de deux balles dans la tête une vieille femme musulmane (…). Un Européen tué à un barrage de musulmans (…).
Libération du 9 mai 1962 : « Hier matin, un musulman tué tous les quarts d’heure » « Hier, le bilan des attentats individuels, à Alger, s’élevait à 36 morts (34 musulman dont 2 femmes et 2 Européens), 23 blessés (21 musulmans, 2 Européens). (…) Toutes les dix minutes, des attentats ont été commis durant toute la matinée, d’un bout à l’autre de la ville. Les terroristes se sont attaqués une fois encore, aux musulmans circulant dans la rue, se rendant à leur travail ou sur les lieux même de leur travail. Depuis quelques jours, il ne s’agit plus, comme cela agit été longtemps le cas, de la part de l’OAS, d’attentats sélectifs visant surtout des cadres musulmans dont la disparition devait fatalement influer sur les conditions de vie de tous les quartiers musulmans. Il semble que les tueurs se laissent aller à une espèce de folie sanguinaire qui fait de chaque Algérien -homme ou femme – rencontré à portée de tir, une cible de choix. La plupart des victimes ont été tuées grièvement blessées par des terroristes circulant à pied et qui ont tiré des coups de revolver dans la tête. Cependant, des voitures, des camions et même, comme cela s’est produit encore lundi, des autocars transportant des musulmans ont été mitraillés. D’autres commandos circulant en voiture, ont mitraillé également les abords des cités musulmanes ou les magasins et ateliers où sont employés des musulmans. Hier matin, dues employés de station-service ont été tués de cette façon, l’un à Maison-Carré, à 9 h30, l’autre avenue Pasteur ». Paris-Presse du 9 mai 1962″Pour achever d’affamer les quartiers musulmans : l’OAS abat les dernières Fatma, qui se risquent encore dans les quartiers Européens (…) ». « Alger, 8 mai. – 8 femmes de ménage musulmanes ont été abattues hier à Alger et à Oran par l’OAS. (…) « Vers la fin de l’après-midi, un nouvel attentat venait surexciter un peu plus les esprits. Une 403 occupée par quatre Européens dont une femme circulait rue Thibaudier. On entendit soudain deux coups de feu, la portière arrière de la voiture s’ouvrir et le corps d’un musulman tomba sur la chaussée : il venait d’être exécuté. Deux femmes musulmanes qui passaient étaient blessées (…) ».
Le Figaro du 10 mai 1962 « (…) Quand l’OAS ne laissa plus d’autre choix aux travailleurs musulmans de la ville européenne que le chômage ou la balle dans la nuque, les hommes de Bab El-Oued avaient dit à leur « bon-arabe » : ‘Toi, tu peux continuer à venir travailler ici. Dans le quartier tu ne risques rien. Absolument rien. Tu es presque un pied-noir. On sait que tu as toujours été, comme nous, pour l’Algérie-française. Tu peux avoir confiance en nous. Nous répondrons de ta vie. Pour toi, il n’y a rien de changé… Tu sais boien qu’on n’est pas raciste ». « L’autre matin, on l’a retrouvé étendu en travers d’un trottoir, le dernier musulman de Bab El-Oued. Baignant dans une flaque sanglante, les bras en croix, les yeux fixes, à jamais tournés vers des rêves d’amitié ». (Gérard Marin)
Quand on lit ces séries de crimes dont la liste ici n’est pas exhaustive, un premier sentiment de nausée s’empare de nous. Puis vient la mise à distance mais elle n’est pas suffisante pour s’engager vers une réelle réflexion, pourtant ces crimes ont eu lieu il y a déjà plus de cinquante ans.  
Durant cette Algérie indépendante, suite aux Accords d’Evian, le FLN est confronté aux  incendies et aux tueries de l’OAS.
Edifices publics plastiqués, ratonnades, mitraillage, des charniers et des charniers de cadavres découvert, des incendies, des innocents meurent chaque jour.
L’OAS pousse le FLN à la négociation pour briser le cadre juridique et politique des Accords d’Evian. Cette organisation terroriste veut être la légitimante exclusive de la parole politique de la France.
Le 5 juin 1962, La croix : « L’OAS a fait le point des négociations avec les autorités de Rocher-Noir au cours d’une courte émission pirate diffusée dimanche soir à 20 h 45 à Alger. Le speaker qui se réclame de l’OAS déclare : Tant qu’il n’y aura pas de réponses positives aux Européens et aux musulmans fidèles, l’OAS déclare : 1) d’interdire aux Européens les contacts avec les autorités du Rocher-Noir, sauf au niveau le plus élevé (…) ».
Le FLN répond qu’il n’est pas question de négocier avec les assassins.
5 juin 1962, journal La Croix : « S’adressant à des journalistes, dans le quartier de Belcourt, le capitaine Boualem Taïbi de l’ALN, a annoncé que le commandement de la Zone Autonome d’Alger (ZAA) ne voulait pas de compromis avec les extrémistes européens ».
La Dépêche d’Algérie publie une édition pirate de l’OAS. Et les atrocités se poursuivent.

7 juin 1962, Bibliothèque de la Faculté d’Alger incendiée par l’OAS.
Extrait du journal La Croix du 7 juin 1962
 » A 12 h 36 trois grenades au phosphore sont lancées à l’intérieur de la faculté. Aussitôt un gigantesque incendie se déclare tandis que les hautes flammes – visibles à une quinzaine de km de la ville (…) A El Biar, localité faisant partie du Grand-Alger, la mairie et la grande poste avaient été aussi la proie des flammes. » (…) A 17 h 40, une grenade incendiaire est lancée dans les bureaux de la taxe unique (…). En fin de soirée, à 19 h 40, deux explosions retentissent dans le quartier de Belcourt. C’est le bureau de poste de Champ-de Manoeuvres (…) ».
L’OAS tente de contraindre, en vain, l’Armée, à remettre en cause les Accords d’Evian, en créant un climat de terreur.
Le Populaire du 9 juin 1962 : « (…) ses deux chefs enfin capturés ont bénéficié jusqu’ici d’une mansuétude qu’explique la raison d’Etat et une solidarité de caste mais qui indigne et inquiète la nation. Aujourd’hui, après quelques jours de répit au cours desquels elle a tenté par un odieux chantage de remettre en cause les termes d’un contrat accepté par l’immense majorité des français, l’OAS reprend et intensifie son action criminelle : ses hommes de main détruisent aveuglément les bâtiments administratifs, les installations portuaires et industrielles, les Facultés, les Ecoles et jusqu’aux livres, toute une infrastructure économique et culturelle (…) ». « dans le même temps l’OAS s’acharne à affoler les Européens d’Algérie et leur enjoint de fuir, dans un dénuement extrême une terre où la plupart sont nés ».
France-soir du 10 juin 1962 : « Alger (…) Des Ecoles se sont écroulées, quelques mitraillades (…). Deux fusées de bazooka ont démoli un studio de la RTF, peu après la diffusion du discours de de Gaulle. Elles ont été lancées, croit-on, des immeubles proches de l’immense et moderne gratte-ciel où sont logés les services de radio et de télévision ».
L’Aurore du 11 juin 1962 : l’OAS incendie un puits de gaz au Sahara (…) sabotage du puits de TG-3 sur le gisement d’Hasch-Touareg, à cent km d’Hasch-Messaoud (…) ».
D’autres articles qui nous font part de l’extrême terreur ne sont pas présentés dans cet article. La liste des crimes est longue. « Ne respectant ni les lois de la guerre ni l’Etat républicain français, les fastueux de l’OAS, visant à saborder les Accords d’Evian et la paix, voulaient, écrit, Mohand-Rachid Zeggagh, rendre impossible la survenue de l’indépendance de l’Algérie ».
Il semblerait que l’OAS arrive en entrer en contact avec le gouvernement exécutif algérien par le truchement d’un homme d’origine marocaine.
16 juin 1962 Combat : « A l’origine l’entrevue Farès-Susini est rendue possible grâce à un notable algérien d’origine marocaine (…) ». « M. Mostefaï (…) dément l’existence de contacts ». L’humanité du 16 juin 1962 « Poursuivant sa politique de la « terre brûlée » : l’OAS a détruit au plastic le plus grand hôpital d’Alger, les malades ont du être évacués, les trois blocs opératoires ont été saccagés ».
L’Aurore, 18 juin 1962 : « Alger, 17 juin (AFP). – Les contacts entre représentants de l’OAS et personnalités de l’Exécutif provisoire remontent à la fin mai. Dès le début de ce mois, M. Abderahmane Farès avait, dans une interview 1, repris l’expression fameuse d’un premier ministre britannique en déclarant que « pour ramener la paix en Algérie il était prêt à s’allier avec le diable ». Le Figaro, 18 juin 1962 « le 17 juin marquera un tournant capital dans la vie de l’Algérie. (…) Avec un réalisme politique assez remarquable, le Dr Mostefaï, parlant à la fois au nom du FLN et de l’Exécutif provisoire, a accepté une certaine reconnaissance de fait de l’OAS, pour être entendu par les Européens d’Algérie ». De son côté, Susini (…) a marqué sans ambages son accord à ces propos, et (…) évoqué la patrie algérienne comme la sienne propre ». (…) l’OAS avait parlé de pourparlers destinés à remplir les blancs d’Evian ». Le Monde, 18 juin 1962 : « L’OAS a donc obtenu satisfaction pour ses trois principales revendications (…), les résultats s’inscrivent dans le cadre des Accords d’Evian ». (…) Seul l’ex-colonel Godard, dont les actions sont loin d’être négligeables, refuseraient encore d’arrêter la lutte ». (…)  c’est avec l’accord de M. Belkacem Krim, vice président du GPRA que l’entente a été conclue. L’ancien négociateur d’Evian (…). Il aurait eu mandat du GPRA (…) pour en finir avec cette affaire ».
A Tunis, le clan de Ben Bella s’insurge. Mais l’OAS s’est imposé en brandissant l' »apocalypse de la terre brûlée ».
21 juin 1962, Le Populaire ; « Les chances de la réconciliation » par Gérard Jaquet : « Il y a quelques heures, je faisais chez un ami commun la connaissance d’un « pied-noir », qui avait été contraint, il y a quelques mois, de se replier sur Paris. Il n’avait jamais participé en Afrique du Nord aux luttes politiques, mais il était connu pour ses opinions libérales. Pourchassé par l’OAS, il avait pris finalement la décision déchirante de quitter sa terre natale. Et, comme j’exprimais l’espoir que ses épreuves allaient enfin se terminer, il me répondit brutalement : « certainement pas. L’accord entre le FLN et l’OAS m’interdit désormais tout retour en Algérie. Certes, je comprends le FLN, qui veut à tout prix arrêter les destructions, avant d’accéder au pouvoir, mais à votre tour, comprenez mon attitude. C’est l’OAS qui a négocié au nom des Européens, et son influence tyrannique va subsister ».
 
 
Le dossier spécial archives et contribution nous fait part des 6000 attentats qui ont été perpétrés par l’OAS en Algérie. Il présente l’organigramme de l’OAS, ses généraux, colonels, civils qui occupaient des positions à Alger, Madrid et en France métropolitaine. « Ces trois  groupes  étaient complétés par la mise en place d’une direction en France sous l’autorité des ex-généraux Vanuxem et Crève-coeur, qui dirigeaient les groupes d’action en métropole en liaison directe avec l’ex-général Salan à Alger », écrit Mohand-Rachid Zeggagh.
 
Il ne s’agit pas de faire de ces morts musulmans un fond de commerce. Mais de commencer à en parler…
 
 
 
 
Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie de Mohand-Rachid Zeggagh
Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962), aux ANEP Editions, second semestre 2017

Le devoir de mémoire  et de vérité est essentiel pour vivre ensemble. Il est pénible à entreprendre mais sa réalisation est nécessaire car il dissipe les rapports de haine entre les individus.  Un grand nombre de pays  a entrepris cette exhumation, cette mise en lumière de faits  meurtrieusement indicibles. La restitution des actes barbares quels qu’ils soient, doivent être dénoncés, pour que subsistent après la terreur, des liens heureux entre les hommes. Un lien est un bien commun. Et un bien n’est pas un ressassement inutile qui entraîne l’appauvrissement humain. Bien au contraire,  sans lien, pas de bonheur pour la communauté, pas de possibilité de construction  heureuse d’une histoire pour la collectivité.
Le devoir de mémoire reconnaît la dette contractée du présent à l’égard de ce qui a eu lieu, il retient un contenu de perception sensible à travers une persévérance certaine. Cette obligation morale à l’endroit du vécu sensible est valable pour tous les peuples.
L’Algérie n’échappe pas à cette nécessité. Sa mémoire est sèche, privée de son vécu. Et c’est probablement le passage à l’aveu par la torture qui lui a coupé le souffle du souci de toute représentation.  Au-delà de mes présuppositions, il y a ce qui a eu lieu, et qui ignoré, se reproduit. Les assassinés algériennes et algériens sont encore les grands absents du champ social et politique. Nommer l’indicible, nommer cet égorgé carbonisé qui se balance sur un fil de linge entre deux immeubles à Alger, amusant certains européens d’Algérie. Nommer  le jeu de tirs sur la nuque des algériens, dans la rue, en toute liberté. Nommer des charniers et des charniers  de cadavres sans possibilité d’identifier les victimes… Nommer toujours pour construire l’avenir relève de l’ordre d’une nécessité.

 Après Prisonniers politiques FLN en France, ouvrage hautement instructif concernant les  trois longues grèves de la faim dans les prisons françaises durant la guerre d’Algérie (1954/1962), Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie relate le terrorisme des groupe Delta de l’OAS après l’indépendance.  La singularité du témoignage  de Rachid Zeggagh s’attache précisément  à l’objectivité de la presse française de l’époque.  C’est à elle qu’il confie le soin de relater un terrorisme quotidien pendant cette fameuse période de transition. Quatre cent articles de presses exclusivement français, trente-cinq journalistes français, qualifiés d’ « historiens de l’immédiat » lui permettent de retracer, de juin 1961 à juin 1962, une histoire, qui, sans tomber dans l’événementielle, met en relief, les tueries de l’OAS. Douze quotidiens nationaux français  de tout bord politique décrivent des crimes qui défient la raison.

De 1957 à 1962, Rachid Zeggagh est prisonnier en France. Il quitte la prison de Loos, peu après la publication du décret d’Amnistie du 22 mars 1962 contemporain  des « Accords d’Evian » qui contrarie injustement le devoir de mémoire.

 Rachid Zeggagh est transféré de France en Algérie, à la prison de Lambèse.  Il est libéré, le lendemain de son arrivé à Batna, le 8 avril 1962.

A sa libération, son combat pour la paix et la liberté en Algérie ne fait que commencer. Après toutes ses années de prison en France accompagnées des trois grèves de la faim pour obtenir la reconnaissance du statut de prisonnier politique, il n’a pas le temps de souffler. Sa fonction de commissaire de police à Alger, le place, comme il le signale lui-même, « aux premières loges de l’action de sécurisation des populations conduites par le ZAA ».

Frère de cellule et compagnon d’armes dans la lutte contre la barbarie, Laïd Lachgar , souligne, dans la Préface du « livre-documents » de Rachid Zeggagh ceci  :

« à la suite des accords d’Evian et du cessez-le feu du 19 mars 1962 (…) Nous nous sommes retrouvés à Alger, dès la première création, le 3 avril 1962, de la Zone autonome d’Alger (ZAA), cette structure était dirigée par le commandant Azzedine, Omar Oussedik et le capitaine Moktar. La zone était chargée par le GPRA et le FLN d’assurer la sécurité physique et sanitaire ainsi que l’approvisionnement des populations pendant la période de transition entre le cessez-le-feu et l’indépendance ».  

Témoigner seul  aurait été une véritable gageure.

 Laïd Lachgar écrit :

« Comment dire que des Algériens étaient suspendus au travers d’une rue de Bab El Oued et imbibés d’essence pour les transformer en torches humaines ? » « Comment rendre-compte, à 50 ans de distance, de crimes ordonnés et exécutés par les tueurs des groupes Delta de l’OAS, dans la principale et chic avenue d’Alger, rue Michelet à l’époque, qui assassinaient plusieurs algériens tous les cinquante mètres, d’une seule balle dans la nuque, comme s’il s’agissait d’un concours de tir ? Comment dire et être cru aujourd’hui) que les cortèges funéraires algériens se rendant au cimetière d’El Kattar étaient soumis à des fusillades par l’OAS à partir de terrasses d’immeubles de Bab El Oued ? Comment parler des enseignants exécutés » ?

Comment, en effet,  ne pas être discrédité par la presse actuelle française même et par le  public, lorsque l’on raconte à titre individuel des crimes d’une telle intensité ?
 Mohand-Rachid Zeggagh fait donc le choix de la presse de l’époque pour narrer l’indicible barbarie d’une époque qui hésite encore à divulguer des mots.
Et il ajoute que les figures de malheur qui ont répandu le sang de femmes et d’hommes »  ont fait erreur sur leur prédication en croyant que les Algériens se vautreraient dans la douleur vengeresse. La vengeance contre les Européens d’Algérie n’a pas eu lieu après l’indépendance. Le souci de justice n’est pas le désir de vengeance. Dans ce répertoire de crimes, il n’y a aucun désir de vengeance mais l’acte même d’une volonté de mettre à nue le réel. Il y a ce devoir qui inscrit dans la mémoire ce qu’il y a comme Vérités à y déposer. Aucune figure de malheur n’a pris la place des criminels qui ont bien voulu la porter.  Il y a à découvrir les tueries et les attentats. Il y a à mettre le contenu  du réel dans cette guerre sans nom.

« Extrait du journal Libération du 30 mai 1962
« Une musulmane de 73 ans achevée sur son brancard à Alger »
« »Extrait du journal Le Figaro du 29 mai 1962
« Neuf écoles incendiées hier »
« Extrait du journal le monde du 29 mai 1962
« Quarante deux morts samedi et dimache à Alger – 20 écoles incendiées – des Européens achevés dans des ambulances »
« Quatre blessés achevés ». – Trois Européens, blessés par des tueurs de l’OAS samedi à Bab El Oued…

Fadela Hebbadj
Fadela Hebbadj
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