Un voyage dans le temps en Kabylie… (4 et fin)

De virage en virage, les paysages les plus beaux défilent devant nos yeux. Nous arrivons à Ifri. Notre fidèle militant Samir s’exclame :
– Regarde, regarde, Shamy, ici la ville est indépendante !

En effet, sur chaque crête, des drapeaux de la nation kabyle flottent librement. Samir arrête la voiture sur le bas-côté ; une vue presque irréelle s’étale devant nous. Tout est paisible. La brise caresse notre emblème accompagnée de chants d’oiseaux.
Impressionnés, Samir et moi restons silencieux devant l’image splendide qui nous est offerte.

Ce dont nous rêvions depuis toujours est concrétisé dans cette région historique de la vallée de la Soummam. Ifri nous donne un signe fort pouvant servir d’exemple à toute la Kabylie : l’indépendance est plus proche que jamais !

Nous voilà maintenant devant la sépulture de Massine Haroun.

Un Z kabyle d’au moins quatre mètres de haut et deux de large trône et domine la région.

Une question me taraude. Comment se fait-il que les drapeaux kabyles ne soient pas arrachés par les autorités coloniales d’Alger ?

J’apprends par notre guide qu’à plusieurs reprises les gendarmes sont venus pour les enlever et qu’ils se sont fait chasser par les habitants… Au bout du compte, ils ont renoncé.

Samir, tel un métronome, me rappelle que nous devons partir pour Tizi-Ouzou où nous avons rendez-vous avec un groupe d’étudiants.
Nous voilà donc assis devant des tasses de café. Filles et garçons nous confient leurs préoccupations.

Dyhia, la présidente de la section du MAK des étudiants de Tizi-Ouzou prend la parole et énumère les difficultés affrontées au quotidien.
Cela commence par les parents qui ne voient pas d’un bon œil qu’à plus de trente ans, certaines de leurs filles ne soient pas mariées.

Deuxièmement, tous les militants du MAK sont marqués en rouge partout. Impossible d’avoir accès à l’emploi. Ils doivent rentrer chez eux en auto-stop et au final se résignent souvent à passer la nuit à l’université ou chez un camarade qui dispose d’une chambre.

Un reproche récurent est adressé aux militants du MAK vivant dans l’émigration, celui de ne pas les soutenir financièrement. Ils apprennent, à leur grande surprise, qu’aucun ministre ne perçoit d’argent pour la réussite de ses projets et que chaque action est financée par les propres deniers des ministres, au détriment de leurs familles

Fatalement, le thème de la religion est abordé et à ma grande stupéfaction, ils n’hésitent pas à se déclarer majoritairement agnostiques, y compris certaines filles portant le voile islamique ! C’est une posture comme une autre que le porter, disent-elles, afin d’échapper aux difficultés quotidiennes.

Pour toutes les personnes rencontrées, un seul nom fait l’unanimité pour devenir le futur président de la nation kabyle : Ferhat M’henni.

J’apprends aussi que chaque week-end, des arabophones d’autres régions du pays, viennent en Kabylie avec leurs petites amies, voilées ou pas, consommer des boissons alcoolisées dans des lieux privés. La Kabylie demeure pour eux le seul endroit du pays colonial où l’individu est libre de choisir de boire de l’alcool ou non. Ils ont l’impression, ces touristes arabophones, d’être dans une contrée d’un pays développé.

Plus tard, je rencontre un militant idéal pour l’indépendance de la Kabylie en la personne de Djamel Ait Amara, chirurgien-dentiste et moniteur sportif à Azazga. Il tient un cabinet dentaire où il emploie une dizaine de collègues.

En premier lieu, Djamel me demande des nouvelles de l’Ancien – Ferhat M’henni – en souriant et m’informe qu’il donne des soins dentaires gratuits aux militants du MAK qui n’ont pas les moyens de se soigner.

Il est un militant convaincu du bien-fondé de l’indépendance. Il affirme être prêt à investir toutes ses économies au service des militants du MAK.

Djamel m’a séduit par ses convictions et sa culture. Il est zen, souriant, bienveillant et il se dégage de sa personne une générosité apaisante. Un anti-stress absolu Djamel ! Il est capable de remonter le moral aux plus pessimistes, calmer les plus névrosés.

Une fois rentré à Alger, j’entends ici et là des Algérois discuter entre eux et s’accordent à dire en poussant des soupirs de soulagement que les Kabyles, un jour ou l’autre, finiront par arracher leur indépendance. Bien sûr, ils jettent des yeux de côté et baissent la voix pour être certains de ne pas être entendus…

Mes remerciements les plus chaleureux vont à notre militant exemplaire et ami, S.H. Sans son assistance précieuse, je n’aurais pu visiter la Kabylie de cette manière en tenant compte de la réalité du terrain.

Vive la Kabylie indépendante et son président Ferhat M’henni.
Shamy Chemini
Ministre de la Culture et de la langue kabyle du GPK Anavad
En Kabylie le 15/11/18

Shamy Chemini
Shamy Chemini
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