Saïd Sadi : la voix de la révolution

La jeunesse algérienne offre au monde un magnifique spectacle.

Aujourd’hui, le trône des imposteurs, le gouvernement des thuriféraires, le despotisme d’une famille érigée en monarchie absolue, la pseudo-république tyrannique, la dictature militaire, tout cela va s’évanouir.

Vous le voyez, je ne suis pas de ceux qui désespèrent. Qu’on me pardonne cette faiblesse, j’admire ma patrie et j’aime mon temps. Quoi qu’on en puisse dire, je ne crois pas plus à l’avilissement définitif de l’Algérie qu’à la disparition de la race humaine. Le droit éternel, ce me semble, améliore perpétuellement l’univers par l’exemple des nations épanouies par le travail des intelligences élues. Oui, n’en déplaise à l’esprit de diatribe et de dénigrement, je crois en mon pays et j’ai foi en sa jeunesse et n’en déplaise à l’esprit de doute, je crois en Said Sadi et j’ai foi en sa providence.

J’ai à vous parler de cet homme qui a été médecin, écrivain, historien, chef de parti d’opposition; qui a fait la première révolution de l’Algérie indépendante et qui a été aussi calomnié.

La nature partage ses dons aux Hommes et les rend capables de briller l’un dans un poste l’autre dans un autre. Mais elle a des enfants de prédilection qu’elle met en état d’exceller partout et Said Sadi fait partie de ceux-là : tempérament vertueux, génie élevé, esprit incisif et éclairé et jusqu’à ces dons extérieurs qui rendent la vertu plus aimable, elle lui a tout prodigué.

Le Printemps de 1980 lui avait mis la plume à la main, la Révolution de 2019 le retrouve la plume à la main. Il est toujours, non le complaisant du peuple, mais son guide et l’organe de ses bons instincts.

Said Sadi possède les trois qualités fondamentales indispensables à tout homme politique : l’analyse, la décision et la précision. Il voit sur-le-champ le point capital et la solution pratique de toute question ; et, ce qu’il voit, il le dit sans ambages. Il a compris qu’il fallait avant tout avoir le courage de l’esprit ; je crois fermement qu’il se serait donné ce courage par des efforts de volonté s’il ne l’avait eu naturellement et il l’eut toute sa vie au plus haut degré. Dans ses écrits, dans ses discours, dans ses actes, il est clairvoyant et résolu. Il va au-devant des responsabilités et sait pertinemment que l’ambition du pouvoir doit accepter les périls au même titre que les avantages.

Il a encore le mérite d’être infatigable. Non seulement il suffisait à la rude besogne de militant et de leader, mais il est le seul et unique homme politique algérien à écrire et publier tant d’ouvrages aussi incisifs et décisifs. Il donne pleinement carrière à sa passion. Y compris dans cette salutaire révolution venue extirper le cancer et les métastases dont souffre l’Algérie, la clarté et la justesse incomparables des écrits et récits de Said Sadi en font toute la force et fondent tout nos espoirs. Il conduit cent mille faits, comme un général habile conduit cent mille hommes.

En outre, il ne fait pas, comme tant d’autres, un catalogue de médiocrités; il va droit au talent qu’il exerce avec respect et indépendance. Il est aussi à souligner que Said Sadi, tout occupé à sa lutte contre la régression, avait considéré toutes les facettes de l’histoire de la Révolution et de la culture algériennes. Cette Révolution, à peine terminée, se perpétuait dans la mémoire des Hommes, non par son issue heureuse, qui eût éclairé et apaisé, mais par ses usurpateurs, éternels aliments de la cruauté, de la malveillance et de la haine.

Esprit adonné à la politique du vrai, il y va avec l’ardente préoccupation d’un homme d’Etat qui veut être complet et juste.

Durant tout son long, courageux et souvent douloureux parcours, il n’a cessé d’affirmer qu’il n’y a pas une morale privée et une morale publique, que la justice est la même pour les individus et pour les peuples, la même pour tous les peuples et pour tous les siècles ; qu’il ne saurait être permis de placer le devoir d’un côté de la balance, et, de l’autre, un intérêt, quelle qu’en soit la dimension ; qu’en pesant tout, la véritable habileté est l’accomplissement du devoir, et qu’aucun avantage, aucun progrès ne compensera jamais le mal fait à l’humanité par le spectacle du crime triomphant.

Aujourd’hui, je crois fermement que personne ne conteste la noblesse, le courage et la dignité de son parcours et de son combat faits de l’amour de la justice, un amour à la fois ardent et impitoyable. Il ne veut à aucun prix humilier le droit devant la force, la raison devant le fanatisme et la science devant l’ignorance. Ma conviction profonde est qu’il porte en lui nos espérances de liberté.
Grand patriote, historien percutant et homme politique clairvoyant, il est mêlé toute sa vie, sans intervalles, aux plus grandes batailles de la liberté qu’a connues l’Algérie; toujours prêt à risquer sa popularité ou sa vie dans cette grande cause mais jamais son honneur et ses convictions.
Tout homme politique a deux réputations, celle qui est conforme à la vérité finit toujours par prévaloir. Les honneurs du triomphe sont bien plus légitimement dus à celui qui étend le domaine du droit, de la liberté et de la justice. C’est cela Said Sadi. Les idéaux de liberté qu’il a en tout temps cultivés lui fournissent de nouvelles lumières et de nouvelles ressources. Son omniprésence dans cette révolution du sourire prouve à qui le veut qu’on ne s’égare que dans la nuit. Fût-on dans un labyrinthe, tant qu’on peut voir pour se conduire, on peut en sortir. De même, l’idée du juste et du vrai, l’amour de la patrie qui porte le jour partout, peut tout rétablir.

Imaginez ce qui manquerait au patrimoine intellectuel et à la profondeur politique et historique de cette bellissime révolution sans les éclairages de Said Sadi. C’est comme si l’humanité était privée des idées de Marc Aurèle, de la douceur affable de Ghandi, de la témérité de Mandela. Je rapproche de ces grands noms celui de Said Sadi, je ne les compare pas.

Pour ceux qui feindraient de ne pas le reconnaître ou qui s’efforceraient de le diminuer, je leur répondrai avec cette citation de Said Sadi « faisons vite, l’histoire va fermer ». Sinon, il arrivera ce jour fâcheux où, dans nos angoisses patriotiques, nous regretterons en pleurnichant « ah, s’il était là ! « .

Yahia Hider