Sagesse et respect

Membre fondateur du groupe Les Abranis, doyen de la chanson moderne, je demande fraternellement à tous les chanteurs kabyles, de se montrer respectueux les uns envers les autres.

Les Kabyles sont réputés dans le monde entier pour leurs éducation, courage, intelligence et surtout pour l’estime qu’ils ont d’autrui. Je ne prends parti pour aucun artiste, ni personnalité intervenant sur Internet, mais je vous conjure de cesser de vous insulter. Nous avons trop d’ennemis pour passer notre temps à nous déchirer, poussés par ceux qui veulent nous faire disparaître. A écouter les paroles de vos chansons, vous êtes des êtres extraordinaires et en toute logique vos actes devraient refléter vos paroles.

Les Kabyles peuvent s’enorgueillir d’être courtois, gentils, généreux, mais hélas depuis l’arabisation et les réseaux sociaux, certains d’entre eux sont devenus grossiers, jaloux voire fainéants. Notre intérêt est pourtant de nous entraider, nous accepter ou alors de nous taire afin de ne rien formuler de désagréable vis à vie des nôtres. Nous devons être compréhensifs si quelqu’un parmi nous s’égare et vivre ensemble en harmonie. Surtout qu’à regarder de près, il n’y a rien de grave ni d’irréparable entre Kabyles.

Ceux qui dépassent les limites sont soit chanteurs, soit politiques. Chacun croit et veut avoir raison alors qu’en Tamazight nous nous affirmons des hommes libres ; par conséquent nous devons tolérer la liberté de chacun.

Être Kabyle, ce n’est pas seulement parler une langue, c’est essentiellement une façon d’être, un comportement noble non exempt de sagesse envers les autres. Pour le reste, chacun est libre de faire ce que bon lui semble sans porter préjudice à ses semblables. Ce n’est pas en s’insultant que l’on emprunte le chemin du savoir et que l’on s’élève vers la dignité.

A l’époque de ma génération – j’ai soixante-dix-huit ans – nous étions cités en exemple dans le bon sens du terme. Pour chacun de nous, le respect était indispensable envers nos parents, nos aînés, nos frères, sœurs, cousins, voisins et tous les Kabyles en général. C’était notre identité.

Lorsque je suis arrivé en France en 1962 la générosité kabyle était légendaire. À votre arrivée vous étiez pris en charge, on vous cherchait du travail et même, on envoyait un mandat pour votre famille restée au village. Une fois le travail trouvé, vous remboursiez toutes les personnes ; jamais de trahison ou d’ingratitude. Lorsque l’un d’entre nous rentrait à l’hôpital pour se faire soigner, toute la journée, il recevait des visites et jamais les mains vides. Le personnel de l’hôpital était ébloui par notre solidarité. Les soignants étaient ravis de partager la nourriture abondante avec les patients !

Par ce texte, je ne cherche pas à moraliser, à donner des leçons, au contraire ; je me sens gêné de rappeler comment nous nous comportions à cette époque. Mais je ne me reconnais pas dans les comportements de certains aujourd’hui. J’ai envie de leur dire :

« Ressaisissez-vous et prenez exemple sur vos grands-parents, vos parents. Restez vous-même, en étant Kabyle comme vos ancêtres, gardez vos bonnes traditions, ne prenez pas les mauvaises des autres. » 

Je souhaite la paix à tous. 

Shamy Chemini

Co-fondateur du groupe Les Abranis, auteur compositeur, écrivain, réalisateur

Le 29 novembre 2021

Shamy
Shamy Chemini
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