Lahouari Addi à Oran : “L’université doit produire du savoir”

“Ce sont ces travaux qui se font à l’université qui irriguent la culture scientifique de la population”, a-t-il asséné.

Le sociologue Lahouari Addi, invité de l’université Oran 2 Mohamed-Benahmed, a animé, hier, une conférence sur le thème “Sociologie et culture en Algérie” à l’auditorium Amer-M’hamed, devant un parterre clairsemé.

Professeur à l’Institut d’études politiques de Lyon, l’un des plus médiatiques sociologues algériens a tout d’abord ouvert une parenthèse pour dire tout le bien qu’il pensait de la décision de donner à l’université le nom d’un des illustres hommes de la Révolution, le commandant Moussa. et de s’interroger sur sa lancée, sur l’absence de thèses sur les figures historiques de l’Algérie. “Il faut que l’université algérienne produise du savoir sur la société algérienne. Que des économistes nous expliquent pourquoi il y a ces prix en Algérie qui sont devenus fous. Que des historiens produisent des thèses sur Amirouche, sur Ben Bella.” Et de s’étonner, s’offusquer sur l’absence d’un travail sur l’ancien président algérien et son successeur Boumediene. “Ce sont ces travaux qui se font à l’université qui irriguent la culture scientifique de la population”, explique-t-il en donnant l’exemple de journalistes désireux de faire des analyses “alors qu’à l’université, il n’y a pas de savoir”.

Insistant sur le sujet, il estime que “c’est bien de donner le nom de Benahmed à l’université, mais il faut une thèse sur lui comme il en faut une sur Krim Belkacem, alors que ce sont les Américains et les Anglais qui écrivent des thèses sur eux”. Et d’affirmer que le savoir n’est pas “historiquement neutre. Le savoir produit aux États-Unis dans les sciences humaines ne peut pas nous servir ici. J’ai écrit un ouvrage sur Bourdieu qui écrit sur les Algériens pour les Français. C’est bien ce qu’il a fait, c’est un humaniste, il était pour l’indépendance de l’Algérie, mais il a écrit ses ouvrages sur la Kabylie pour dire que les Kabyles sont rationnels. En tant qu’Algérien, je ne vais pas écrire un livre pour dire que les Kabyles sont rationnels, que les Algériens sont rationnels, moi je le sais, lui, il a écrit pour une société raciste, colonialiste. Donc, c’est à nous de produire du savoir sur notre société et c’est le rôle de l’université”.

À ce propos, il citera, plus loin, la célèbre boutade du sociologue et anthropologue orientaliste, Jacques Berque : “Il n’y a pas de pays sous-développés, il n’y a que des pays sous-analysés.” D’où, pour le conférencier, l’obligation pour les Algériens de produire des analyses sur leur société : “Nous pourrions rattraper, nous pourrions surmonter le sous-développement. D’où la nécessité que nos universités produisent le savoir sur notre société. Sur la société.” Et de citer également Bourdieu, sur cette question, quand il dit que les universitaires algériens et les élites algériennes ne connaissent pas leur société : “D’où la nécessité de la sociologie qui produit le savoir sur la société. Ce savoir est lié à la culture générale de la société, qui fait reculer les préjugés et les représentations mythiques qui faussent la perception de la réalité.” En amont, Lahouari Addi a évoqué ses convictions sur l’utilité des sciences sociales, affirmant que “si l’Algérie a aujourd’hui des difficultés à satisfaire les demandes de progrès social, culturel et économique de la population, c’est parce que les sciences sociales sont faibles et n’ont pas imprégné la culture de la population, parce que nous n’avons pas produit ce savoir”.    

Saïd Oussad

Rédaction Kabyle.com
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