« Non au mandat de la honte »

« Non au mandat de la honte ». Cela avait commencé comme ça, par cette petite phrase mille fois répétée dans nos rues, dans nos villes, dans nos maisons... Quatre mandats. Vingt ans. Une voix éteinte. Un corps souffreteux. Et l'espérance des jeunes se mourait dans son regard hagard. Ils avaient des atouts, les jeunes, des rêves et du dynamisme à ne plus les contenir. Ils cherchaient des chances et des opportunités à saisir. Continuer à lire « Non au mandat de la honte »

« Non au mandat de la honte ». Cela avait commencé comme ça, par cette petite phrase mille fois répétée dans nos rues, dans nos villes, dans nos maisons… Quatre mandats. Vingt ans. Une voix éteinte. Un corps souffreteux. Et l’espérance des jeunes se mourait dans son regard hagard. Ils avaient des atouts, les jeunes, des rêves et du dynamisme à ne plus les contenir. Ils cherchaient des chances et des opportunités à saisir. A trente, trente cinq, quarante ans, ils désespéraient de trouver un travail et un logement. Ce qui n’était pas un luxe. Certains étaient déjà passés par plusieurs stades : étudiants, chômeurs, serveurs, manœuvres…

Ils comprennent aujourd’hui, qu’on les avait leurrés pendant des années. Le régime n’avait que faire de l’héroïsme; l’audace, l’intelligence ou la connaissance. Il veut de la domestication, de l’asservissement, de l’acquiescement.

Aucune baraka ne pouvait plus leur venir de l’homme de 82 ans qui les a moqués, les a volés.

Ça avait commencé comme ça par ce qui foutait la grande honte aux Algériens. L’inadéquation totale entre le corps usé, les mains tremblantes, le langage trouble du monsieur et le pouvoir qu’on voulait placer entre ses mains. Le dément, on le disait capable de refaire le monde. On l’avait placé au premier rang des prétendants au poste de président. Forcément, ils avaient des intérêts et des excès à sauvegarder : des usines, des machines, des privilèges et des logements à Paris. Les Algériens n’en finissaient plus de se sentir trahis.

Ça a commencé comme ça quand le trop-plein de rage s’est déversé dans nos rues un 22 février. Un vendredi béni où chacun décidait de regarder sa vie, de chercher où sont passés ses ambitions, ses rêves d’enfant, ses fantasmes d’adolescents.

Dans les rues d’Alger, d’Oran, de Tizi et de toutes les villes du pays, c’est l’Algérie piétinée, malmenée qui glapit. Des hommes et des femmes se rassemblèrent pour crier leur colère, clamer leurs doutes, danser sur leurs espoirs. Les gens du pouvoir sont restés impassibles, malveillants, hostiles. Le peuple a toujours été un ennemi. Mais un ennemi docile et arrangeant.

Du pauvre en colère? Qu’à cela ne tienne ! Le chômage, l’ignorance, la pauvreté, le mal vivre et le manque de perspective, c’est pas des actes manqués. C’est des choix du pouvoir. Le pouvoir savait qu’à un moment, ça lui rapporterait. De leur donner un toit et un taf, les gueux se la fermeraient. En sourdine, on distribue des appartements. Et des pensions. Pour contrecarrer les échauffourées. Les faux moudjahidines, c’est fait aussi pour ça. Pour en faire des alliés en cas d’agitation. Le pouvoir , sait émouvoir. Ses chausses-trappes ont toujours été efficaces.

« Dans quelques jours, la foule fera profil bas et certains remercieront même le régime d’avoir pris soin d’eux en découvrant leurs noms dans la liste des bénéficiaires des crédits ANSEJ ou de logements sociaux. » me confia un voisin sceptique.

Depuis 1962, le pouvoir a menti, volé, trahi, manipulé, dilapidé. Pièce par pièce, il a désassemblé, dégradé, démoli les biens, dilapidé les ressources de ce pays.

Depuis 1962, alors que le pays était mené par un régime totalitaire sans pareil, le pouvoir a tenté d’entretenir l’illusion d’une démocratie ridicule.

Mais cette fois, le peuple désengourdi refuse de se laisser encore embobiner. Et la machine à endormir ou terroriser le public n’a pas fonctionné. Trop de colère, trop de mépris accumulés pendant des années ! La dignité retrouvée dresse la barrière, repousse la peur pour prendre possession du territoire.

Pas de mot d’ordre. Pas de meneur, pas de chef. Partout la même détermination pour se libérer de l’enchaînement.

Les modiques, les modestes, les oubliés, les insignifiants, les bas de gamme se sont relevés pour retrouver leurs vertus et décident que, dorénavant, personne ne pourra plus les traiter comme des cons. Marcher pour la dignité, marcher pour l’égalité, marcher pour compter et être compté.

Ils ont juré de continuer le marathon, jusqu’à satisfaction de leurs revendications. Pendant longtemps, ils ne pouvaient réclamer leur part du gâteau que se partagent les princes du pouvoir. Parce qu’ils n’avaient pas compris qu’on puisse trahir, mentir, voler, tricher, arnaquer et être payés pour ça. L’argent, c’est une combine de riches et de puissants. Eux, avaient appris à se lever tôt pour bosser avec leurs bras. Car oui, il ne faut pas l’oublier : en Algérie, c’est toujours les mêmes qui ont le pouvoir depuis 1962. Un incorruptible n’est jamais passé du côté des nababs.

Ainsi, tous les vendredis, les gens sont dans les rues : les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux et même les enfants.

Et c’est parti. Le hirak emporta dans sa crue tout un peuple assoiffé de dignité et de liberté.

Marcher, pour sauver l’Algérie, tendre un doigt au pouvoir. Un doigt bien droit. Car aujourd’hui, le peuple n’a rien à perdre mais tout à gagner.

Grèves, défilés, manifestations, chants, représentations… Selfies. C’est un truc de dingue.
Cela avait commencé par lui, Bouteflika. Chassé du pouvoir comme un malfrat. Puis beaucoup de linge sale a été déballé, sans être lavé.

Après des mois de bruits, de festivités et de selfies, un daron édenté sortit de son cocon. Il tenta de faire une queue de poisson ou doubler, par la droite, la marche du peuple. Il avait des désirs d’absolu. Nous avons des rêves de justice.

Parce que, « C’est les rêves qui font grandir les enfants, c’est les rêves… » comme chantait Anne Sylvestre. Alors, toi le révolté contre l’ordre établi, marche et rêve.

Derrière, les nuages gris, l’orage gronde toujours.

Katia BOUAZIZ, 1 septembre 2019

Katia Bouaziz
Katia Bouaziz
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2 commentaires

  1. On a rien a faire des mandats arabo arabe algériens. La Kabylie n’est et ne sera jamais concernée. Les algérianistes ne retiennent pas les leçons de l’histoire.

  2. Azul
    Tbaneḍ kan kemm di Fransa i tettidireḍ, maca ur tewalaḍ ara d acu ig ḍerrun n lbaṭṭel ɣef iqbayliyen d imaziɣen sumata di lzayer. Mara iken deg tmuɣli nni n qbel 62, ur tewwim ara s lexbar akk dacu i yɛeddan seg asmi « teffeɣ Fransa mi tekcem lzayer ». Kunwi akka s wigi i yettiren berra n tmurt, yernu iselen nwen d ayen kan i d-qqarent tiliẓriwin n Fafa. Nekk dayen jeṛbeɣ ar imdanen i ken-icban seg imineg nnɣ iqbayliyenɣ, ula d tafsut nni 80 ur d-wwim ara s lxebar d-acu i iaddan. Ula diɣen « iqmayliyen » (iqbayliyen) n tmanaɣt, widak nni akken ig beddlen tajaddit, beddlen iles, akken ad cabin imnekcem Aɛrab-ineslem. Tuddreḍ iyi-d icennayen ifransisen, alukan d lebɣi am sleɣ tuddreḍ-d widak n teqbaylit am Yidir neɣ Mangellat, Ali Amran, maca kunwi s wigi i wumi iɛerqen lexyuḍ, i wumi truḥ tutlayt, tuɣalem d iqeddacen n imnekcemen, neɣ tetteddum deg ljeṛṛa nsen. Tanmirt a lalla. Cfu kem lukan ẓriɣ-kem d taɛrabt werǧin ad jeggḥeɣ awal-iw yid-m. Yumayna kan, immeslay-d fella-wen Mas Samy Chemini ghef ighriben n Fransa, atg,…

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