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« L’Algérie juive » : quand le régime algérien étouffe la mémoire plurielle
La rencontre littéraire prévue le 24 octobre 2024 à la librairie Cheikh de Tizi Ouzou en Kabylie, où l’écrivaine Hédia Bensahli devait présenter son livre « L’Algérie juive », a été annulée sous pression des autorités algériennes. La librairie, sans explication détaillée, a confirmé l’annulation, laissant place à des spéculations sur les raisons véritables de cette décision.
La censure semble étroitement liée à la position idéologique du régime, qui refuse de reconnaître la dimension juive de l’histoire algérienne. Ce régime, structuré autour d’une idéologie arabo-islamique, marginalise les récits historiques alternatifs comme celui de la communauté juive, pourtant présente bien avant l’invasion arabe.
La mémoire juive enfouie et réprimée
Le livre de Hédia Bensahli, publié en 2023 aux éditions Frantz Fanon, retrace la longue présence juive en Algérie, remontant à plus de deux millénaires. Cette histoire remonte bien avant la conquête arabe, et une grande partie de cette population avait des racines amazighes (berbères). Avant la colonisation française, les Juifs d’Algérie étaient profondément intégrés dans le tissu social et culturel de la région, notamment en Kabylie, où une partie de la population juive berbère a coexisté avec les autres communautés locales.
L’ouvrage de Bensahli évoque cet héritage effacé et cherche à réhabiliter une mémoire qui dérange le discours officiel algérien, toujours soucieux de promouvoir une identité homogène. En plus de son travail littéraire, elle a été la cible d’attaques antisémites en ligne, signe d’un climat hostile qui pèse encore aujourd’hui sur la question de la judéité en Algérie.
L’exil des Juifs amazighs après l’indépendance
À l’indépendance en 1962, le départ massif des Juifs d’Algérie fut accéléré par la promulgation du décret Crémieux sous le régime colonial, qui avait conféré la citoyenneté française aux Juifs algériens, mais avait aliéné les musulmans. Après l’indépendance, les autorités algériennes ont fait en sorte d’effacer la contribution juive à l’identité nationale, et de nombreux Juifs amazighs de Kabylie, qui étaient profondément enracinés dans leurs terres ancestrales, ont été contraints à l’exil.
La majorité de ces exilés se sont dirigés vers la France ou Israël, perdant ainsi tout lien avec leur terre natale. Ce départ massif a contribué à la disparition progressive des traces de cette communauté, pourtant intimement liée à l’histoire de l’Algérie et de la Kabylie. La destruction des synagogues ou leur conversion en mosquées symbolise également cette volonté d’effacement.
Le silence persistant sur la judéité amazighe en Algérie
Aujourd’hui encore, la reconnaissance des Juifs amazighs en Algérie reste taboue. Le régime algérien maintient une vision monolithique de l’identité nationale, dans laquelle il n’y a pas de place pour la diversité historique et culturelle. C’est cette version de l’histoire que tente de combattre Hédia Bensahli à travers son livre.
La censure de son œuvre à Tizi Ouzou illustre bien la résistance des autorités à ouvrir le débat sur cette histoire plurielle. La Kabylie, se retrouve également doublement affectée par ces politiques d’exclusion mémorielle.
Annulation sur fond de censure idéologique
L’annulation de la rencontre littéraire de « L’Algérie juive » à Tizi Ouzou n’est qu’un exemple de la manière dont le régime algérien continue de contrôler les récits historiques. L’œuvre de Hédia Bensahli, en remettant en lumière une mémoire refoulée, se heurte à un pouvoir qui préfère taire les épisodes de l’histoire algérienne qui ne cadrent pas avec son idéologie officielle. Cependant, cette annulation ne fait que renforcer l’importance de son travail, qui ouvre un espace de réflexion nécessaire sur la diversité culturelle et religieuse du pays.