La rue d’en haut !

Il existe en chacun de nous une image, un endroit que nous gardons jalousement au fond de nous-mêmes. Une place ou nous allons nous ressourcer quand le spleen s'invite dans notre quotidien. Une jolie citation que j’aime à me remémorer souligne, qu’un plaisir d’amour ne dure qu’un moment, alors qu’un chagrin d’amour lui, dure toute la vie. Je suis un peu dans ce contexte-là, avec la rue d’en haut. Le jour où j’ai quitté ce magnifique endroit, j’ai su que ma peine allait être un immense boulet que j’allais traîner toute ma vie. Continuer à lire La rue d’en haut !

Il existe en chacun de nous une image, un endroit que nous gardons jalousement au fond de nous-mêmes. Une place ou nous allons nous ressourcer quand le spleen s’invite dans notre quotidien. Une jolie citation que j’aime à me remémorer souligne, qu’un plaisir d’amour ne dure qu’un moment, alors qu’un chagrin d’amour lui, dure toute la vie. Je suis un peu dans ce contexte-là, avec la rue d’en haut. Le jour où j’ai quitté ce magnifique endroit, j’ai su que ma peine allait être un immense boulet que j’allais traîner toute ma vie.

Je suis né à Larvaa Nath Irathen, à la rue d’en haut, un samedi 22 février, j y ai vécu et grandit heureux dans ce havre qui m’a donné les premières joies du cœur. Comme aime à les appeler Enrico Macias, j’ai fini par emporter un peu de la rue d’en haut, au talon de mes souliers.

Autant la rue d’en bas fourmillait littéralement de monde, autant la rue d’en haut était silencieuse et discrète.

C’est simple, chacun connaissait tout le monde, nous étions une quinzaine de familles, tout au plus, autant dire une grande famille.

Ce lieu paisible était le berceau des : Cherfaoui, Itim, Guers, Hamoum, Kaci, Ferrani, Arhab, Djebbar, Lahlou, Hamidi, Amara, Yahlaili, Aliane, Khazem, Mamou, Mouzaoui et Hadj kadour. C’est vrai, comment oublier le café légendaire de Dda Chavane, son mythique baby foot, l’entrée de la toute première télévision noir et blanc. Nous faisions assidûment la file, juste entrevoir quelques images.

Tout proche de là, le célèbre coiffeur Paritous, qui faisait le bonheur des modestes pères de famille, dont le mien, qui déboursait quelques douros seulement pour une coupe de cheveux.

Dda Meziane Ath l’mouloud avec sa célèbre boutique aux senteurs uniques. Après le tumulte de la journée, le soir, cette rue s’apaisait enfin. À l’époque, je me rappelle, la rue d’en haut respirait le grand air et la verdure. Il était impensable de voir des détritus à même le sol, ni d’entendre une personne vociférer comme on en voit de nos jours. La retenue était de mise, les enfants baissaient la tête quand une grande personne leur parlait et n’oubliaient surtout pas de ponctuer leurs phrases par un bon Dada. Nos jeux se résumaient à jouer à cache-cache et aux interminables parties de billes ou de petits-bois. Avec mon grand frère, Djamal nous avions nos habitudes. Nous adorions faire le débriefing des films western avec Rachid Rehab, Madjid Hamoum et autres Mohamed Itim.

L’Insouciance était alors notre seul credo, la vie était simple et belle. Devant notre maison, se trouvait une menuiserie, qui, à elle seule emplissait tout le bruit du quartier. L’usine faisait vivre une dizaine de familles, dont celle de Salah Yahlaili, avec qui je passais le plus clair de mon temps à parler de ses nombreux voyages. Quand son heure de pause finissait, je me concentrais à trouver toute sorte de morceaux de bois pou mes bricolages. Le soir, la scierie baissait son rideau et nous rendait le silence de notre quartier. C’était ainsi que nous vivions à la rue d’en haut.

En été, dominant la ville, la rue se laissait bercer par une douce fraîcheur qui faisait en sorte que tout le monde sortaient, profiter du temps. Que ce soit devant Dda Meziane, ou devant le café de Dda Chavane, les gens discutait de la JSK, et aussi de l’antique TRANI, la grande équipe de football locale. Parler de la rue d’en haut, sans évoquer les Reggane, c’est comme parler de Fort-National, sans parler de ses fortifications. Comment ne pas parler de Serge, de Gilbert, de Jean-Pierre, d’Alain. Je me rappelle très bien, nous habitions à une dizaine de mètres seulement de leur maison. Croyez-moi, je passais plus de temps chez eux que chez moi, au grand dam de ma mère qui ne me voyait guerre de la journée.

Mais mon plus grand bonheur, c’étaient les fins de semaine. Toute la grande famille Reggane, celle de Tizi, des Ouadhia et des Ath Yenni, venait se rassembler sous les airs de musique entraînante. Les grands installaient deux ou trois grandes tables et faisaient un pique-nique géant, en plein air. Ah, combien de fois ai-je dit naïvement à ma mère, pourquoi nous ne faisions pas comme eux.

La rue d’en haut, c’est aussi cette grande caserne qui surplombait toutes nos maisons, je garde encore des souvenirs de soldats qui sautaient à même la grande clôture pour prendre la clé des champs. Je me rappelle aussi de certains bidasses, sans doute en retenue, qui nous jetaient quelques pièces de monnaie pour leur acheter du pain. Bien des fois, l’idée m’a traversé l’esprit, de garder l’argent pour moi. Mais voilà, habitant trop proche, je renonçais bien vite, car j’avais peur de me faire choper un jour. J’y suis reparti dernièrement. Oui, la rue d’en haut a bien pâli, les ruelles sont devenues exiguës à force de voir pousser toute sorte de constructions anarchiques. Malgré cela, j’ai poussé ma mémoire à aller chercher ces images douces de mon enfance. Sans doute, pour panser mes plaies, je voulais tant retrouver ce parfum de nostalgie.

Encore aujourd’hui, quand ma peine est grande sur cette terre lointaine (le Canada) ce village, appelé jadis kanata, je repars penser à mon Fort, je revois mon quartier mythique, ce quartier d’antan qui me fait encore chavirer de plaisir à chacune de ces évocations. Les vielles bâtisses sont encore là, même ma maison d’enfance se tient encore debout, narguant le temps. Après quelques nostalgiques évocations, je retrouve alors mon âme apaisée, triste certes, de m’être séparé de personnes et d’endroits aussi chaleureux que la Rue d’en haut, mais heureux de perpétuer en moi, le souvenir de chacun d’eux. Au fond, ce n’est pas si important de voir que la rue d’en haut à perdue de sa superbe ou bien que les murs ont décrépi.

Ce qui est important, c’est de voir ce que chacun en a gardé, comme enseignements, valeurs et repères.

Je ne remercierai jamais assez la vie d’avoir bercé mes premières années de vie, dans ce lieu magique.

À ce propos j’aimerai remercier et saluer le travail titanesque réalisé par l’architecte Linda Ouar, sur les thématiques de sauvegarde du patrimoine à Fort-National. Son formidable travail sur la reconstitution et la transmission de la mémoire matérielle de la ville et aussi le travail fait sur l’échange avec les habitants pour consolider le patrimoine local.

Pour finir, la nostalgie n’est pas seulement une tare ou une situation négative vers laquelle nous fuyons quand le spleen s’invite à la table, mais c’est surtout un refuge ou nous dissimulons des trésors inestimables de sentiments et de sensations. N’oublions pas aussi, les mots de Georges Moustaki, qui a écrit une magnifique chanson à Serge Reggiani : Madame Nostalgie Pardonne-moi si j’en ai marre? De tes dentelles grises et noires. Il fait trop triste par ici !

Djaffar Kaci

Djaffar Kaci
Djaffar Kaci
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11 commentaires

  1. merci pour ce moment d’évasion.
    Kaci,un nom qui m’est très familier d’ailleurs j’en parle sur « facebook:Larbaa Nath Irathen 930m/les ferblantiers ».
    nous avons la même nostalgie de cette enfance que personne d’autre,venu d’ailleurs,n’aurait vécu.
    merci

  2. Mais c’est juste époustouflant comme souvenir ! Au départ je me demandais qui est-ce Djaafar KACI. Les commentaires m’ont éclairé … oui Da 3achour était un brave Monsieur, je le connaissais très bien. Il m’adorait. C’était un homme d’une rigueur morale incroyable et il inculquant ses propres valeurs à son fils ainé dont le prénom m’échappe …. Hélas! Un souvenir précis: il était très lucide quant à l’importance des études pour ses enfants. J’ai quitté la rue d’en haut en 1981, une fois le bac en poche pour aller sous d’autres cieux, d’ailleurs moins cléments, et poursuivre mes études. Toutes mes condoléances Djaafar. J’ai habité la rue d’en haut quatre années.

  3. akli
    Je ne suis pas originaire de Larbaa, mais j’y ai effectué toutes mes études primaires au début des années 1970, Que des souvenirs inoubliables, la fête des cerises, les matchs de foot entre enfants dans le même stade qui nous faisait rêver lors des duels de la grande équipe TRANI. Je me souviens de la coupe gagnée à Tizi-Ouzou contre Dellys, 3 à 2, cela fait presque 50 ans, je n’arrive pas à croire. Comme les élèves de ma classe habitaient la grande rue, je fréquentait ce quartier qui na pas hésité à m’adopter. Je me souviens de la plupart des noms cités, ils se souviennent aussi de moi (j’étais un bon élève comme on dit à l’époque) mais rarement je rencontre quelqu’un. Jusqu’à aujourd’hui, quand je suis à Tizi (actuellement je suis au canada), quand je me retrouve dans des moments de stress, je prends la voiture en direction de Larba, je prends un café, un gâteau, un jus, une cigarette, et le moral est remonté. L’architecture de la ville a bien changé aujourd’hui, je ne retrouve plus la muraille et les deux portes, mais elle a gardé à ce jour un charme indéniable et son originalité. Nostalgie quand tu nous tiens.

  4. En fait, je n’ai pas oublié Dda Achour, car c’est mon père, il nous a quitté voila 3 ans, la douleur edt encore vive, c’etait en effet, une valeure sure a la rue d’en haut. Merci pour ce rappel

  5. vous avez oublie dda 3achour iqqasiten le plombier du quartier un fervent supporter de la JSK ATYERHEM REBBI

  6. Merci beaucoup pour ce beau tableau.
    Je connais fort national, que de passage, mais je me retrouve dans ta description. Merci a Kabyle.com de nous donner la chance de lire ce monsieur. Ar tufat

  7. Ah nom de Dieu! dans quelle sacrée dose de nostalgie tu nous plonge là, aghma !
    La rue d’en-haut, c’est avant tout, ma première rentrée scolaire, en septembre ou octobre 1960.
    Du temps des roumis, il y avait, dans cette rue-là, 2 classes annexes à l’école de Fort National.
    C’est là que j’appris que mes ancêtres étaient Gaulois, et en même temps entrepris mes premiers questionnements de la vie. Car la petite maîtresse était si jolie et avenante envers nous qu’il était impossible de ne pas se demander « mais pourquoi diable sommes-nous en guerre contre cette beauté ? ». Ah Dieu que j’aurais aimé revivre ces merveilleux temps de naïveté et d’innocence !
    Le café de Dda châvane, les parties de dominos, la gazouza en guise d’unique gain à nos combats d’équipe à 2, Aouhid Youcef, à fond sur le pick-up, pour bercer ces moments de quiétude et d’insouciance à notre entame de l’adolescence !
    Je m’arrête là pour éviter que les glandes lacrymales s’en mêlent !
    Merci aghma pour ce moment intense de pèlerinage dans le temps !

  8. En lisant cet article très intéressant qui me rappel jadis le respect des uns des autres en particulier des anciens, aussi la convivialité du village où chacun connaît son devoir vers son prochain. Pas un seul labour, pas un seul ramassages d’olives etc… que les démunis ne sont pas aidés pour rentrer leurs récoltes. Aujourd’hui toutes les générations des années 60 à nos jours à qui on a lavé le cerveau pour faire des arabes convaincus en laissant tout leurs problèmes domestiques et matériels à Dieu Le faite que la vie terrestre n’est que éphémère mais le paradis promis par les malins est éternel « dormez bonne gens «  Mais les malins en l’occurrence les imams salafistes eux leurs enfants sont dans des écoles privées en France, Angleterre, Canada , Suisse etc… pour faire les nouveaux dirigeants de nos enfants !
    Ce qu’il faut comprendre personne ne viendra à notre secours le faite que le régime despotique Algériens a déployé ces tentacules dans les pays occidentaux où il diverse ces millions de dollars de la rente pétrolière dont la corruption qui s’en suit « tu manges – Je mange «  pendant ce temps le pays sombre pas seulement dans misère dans tous les sens du terme mais il n’est évolué pas (quelqu’un disait pour manipuler un peuple il faut le rendre ignorants)
    Aujourd’hui la grande majorité des Algériens passent leurs temps dans les mousquets mêmes certains ne croient pas ! Je suis retourné dans mon il y a quelques années j’étais interloqué du changement radical de tout, femmes voilées, les rapports amicaux d’autres fois sont devenus pratiquement inexistants. Par contre ils ont construit une mousquet énorme qu’on peut voir de loin « nouvelle fierté « 
    Par contre personne ne travaillent ses champs ils vivent tous dans la combine devenue monnaie d’échanges ! Quelle Catastrophe !!!!

  9. Salut Djaffar!
    Mon nom est Mohand. Je suis d’Iftouchen, un village de la commune de Ouaguenoun proche de Tigzirt sur mer. Aujourd’hui, je vis au Canada, depuis plus de quarante ans. J’ai étudié au collège de Fort National pendant trois ans comme pensionnaire, autrement dit en internat. Laisse moi te dire que j’ai beaucoup aimé ton lieu de naissance. J’ai aimé le lieu, mais j’ai surtout aimé les gens. J’ai toujours gardé l’image de la petite ville entouré d’un mur avec ses deux rues, celle d’en bas et celle d’en haut oü on va jouer au babyfoot dès qu’on sort du collège. Je n’ai passé que trois ans la bas, mais je reste nostalgique de cet endroit quelque peu mythique pour moi.
    Je pense toujours aux chemins qui montent, mais surtout aux ces femmes vaillantes des montagnes. Merci Djaffar, pour ce petit retour aux sources. Muh Uhand Iftochen

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