« La Kabylie mérite mieux » – Déclaration de Tamazgha

Le 12 mars 2023, une marche pour la Kabylie a eu lieu à Paris à l’appel du collectif « Action pour la Kabylie ». Ce dernier a suscité un véritable espoir au sein d’une partie de la diaspora kabyle en France. En l’espace de deux mois, ses membres ont su mettre en place une dynamique de travail collectif sur des objectifs rassembleurs et ont réussi, grâce notamment au travail efficace de communication, à mobiliser la diaspora kabyle de la Région parisienne, et même au-delà. Quelques trois mille personnes ont manifesté ce dimanche 12 mars à Paris répondant ainsi à l’appel du collectif « ApK » pour « dénoncer l’arbitraire, la répression et la violence de l’État algérien ainsi que son acharnement sur la Kabylie », « exiger la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques et d’opinion », « exiger la cessation de tout harcèlement physique, moral ou judiciaire contre les citoyens et les militants kabyles » et « exiger, comme l’a fait Amnesty International, l’annulation du simulacre de procès de l’affaire dite de Larbaa Nat Iraten ayant prononcé la condamnation à mort de 54 citoyens kabyles ».
Seulement voilà que lors de cette marche, nous avons assisté à certaines attitudes irresponsables qui ont contribué à brouiller le message du collectif.
Tamazgha (ONG berbériste) qui a soutenu et accompagné le collectif dans son action déplore cette attitude et a tenu à l’exprimer publiquement à travers une déclaration.

Déclaration

Si le contentieux entre la Kabylie et les tenants du régime algérien, une véritable dictature arabo-musulmane effroyable, remontre à loin et tient ses origines de la naissance du Mouvement national algérien, mais depuis 2021 une véritable chape de plomb s’est abattue sur la Kabylie qui vit une véritable paralysie. Quadrillée de toutes parts par un arsenal militaro-policier mis en œuvre par le DRS, la Kabylie est devenue une région-garnison. Après les incendies volontaires de l’été 2021, l’État algérien a, sciemment, mis en branle une répression inédite. Des citoyennes et citoyens sont arrêté.e.s pour leur militantisme, pour des publications sur les réseaux sociaux ou pour un simple prétexte. La Kabylie est également frappée d’une répression culturelle inédite : les rassemblements, commémorations et activités culturelles font l’objet d’interdictions sans explications. De nombreux artistes et intellectuels sont interdits de se rendre à l’étranger. La volonté de contrôle et de neutralisation de l’élite politique et universitaire de Kabylie est évidente. Ils ont décidé, dans la droite ligne du projet d’éradication de l’Amazighité, de soumettre la Kabylie et de la mettre à genoux.

En d’autres termes, la situation actuelle atteste à elle seule d’une violation manifeste des droits de la personne humaine en Kabylie. La situation des prisonniers d’opinion est délétère : présomption de culpabilité en lieu et place de présomption d’innocence, torture blanche, détention provisoire abusive, droits de la défense bafoués… L’État algérien s’est assis sur toutes les conventions qu’il a pourtant signées concernant les droits de l’Homme, notamment la liberté d’expression.

Devant cette situation, un silence inexplicable a gagné les milieux kabyles aussi bien à l’intérieur que dans la diaspora. Même si des actions sont menées notamment en région parisienne par certains acteurs kabyles, ces dernières sont loin d’être à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer.

Face à ce désastre, plusieurs acteurs kabyles se sont retrouvés à Paris le 8 janvier 2023 et ont mis en place un collectif dont l’objectif premier était d’agir et de s’élargir afin de rompre le silence et le huis-clos auquel nous sommes arbitrairement assignés. Plusieurs réunions, en présentiel comme en distanciel, ont abouti à concrétiser la première action en l’occurrence la marche du 12 mars 2023 à Paris, de Bastille à Nation. Le collectif « Action pour la Kabylie » (ApK) était piloté par une Coordination de sept membres.

Tamazgha nous ne pouvions que nous en réjouir. Nous l’avons toujours clamé et dans notre déclaration du 11 décembre 2022 nous l’avions réitéré : « la responsabilité de la diaspora, notamment en France, est engagée : elle doit prendre sa part dans cette incontournable lutte qui doit être menée pour redonner à la Kabylie sa dignité. Il est urgent que soient initiées des actions collectives nées d’une large concertation des différents acteurs kabyles en France, et dans la diaspora de manière générale, et quelles que soient leurs tendances ou leurs appartenances car l’intérêt de la Kabylie et sa défense doivent rester l’unique objectif de la mobilisation« .

Refusant le silence imposé à la Kabylie par la répression, Tamazgha s’est exprimée publiquement pour impulser une réelle mobilisation au sein de la diaspora en faveur des libertés, de toutes les libertés, en Kabylie. Nous avions dit qu’à Tamazgha « nous ne versons jamais dans l’agitation inefficace. Nous avons toujours fait le choix d’actions collectives, concertées et décidées de manière démocratique après des débats ouverts et pluriels« . Et c’est ce à quoi nous avons essayé de contribuer au sein du collectif « Action pour la Kabylie ».

C’est donc naturellement que l’ONG Tamazgha a rejoint cette initiative et a adhéré au Collectif qu’elle a soutenu jusqu’au 12 mars.

Partie intégrante du collectif « Action pour la Kabylie », Tamazgha souhaite remercier toutes les citoyennes et tous les citoyens de la diaspora qui ont répondu à son appel pour la marche du 12 mars à Paris. Cette dernière, par le nombre important de manifestants qui l’ont rejointe, fut une réussite et a montré que les Kabyles de la diaspora ont la volonté de sortir du ghetto et d’agir pour mettre fin à l’arbitraire et à l’humiliation que le régime algérien leur fait subir.

Tamazgha souhaite également prendre acte des retours de nombreuses citoyennes et nombreux citoyens concernant le déroulement de la marche à laquelle ils ont voulu prendre part à nos côtés. En effet, comme eux, nous déplorons l’irresponsabilité de certains individus externes à l’organisation qui ont gravité autour des initiateurs de la marche et ont tenté de vampiriser/phagocyter l’initiative. Nous regrettons, comme nos amis marcheurs, les tentatives de pression et de récupération qui ont malheureusement rendu le message du collectif inaudible. Nous avons appelé toute la diaspora à marcher à nos côtés pour dénoncer la violation des droits de l’Homme en Kabylie, la libération immédiate et sans conditions de l’ensemble des prisonniers politiques et d’opinion. Nous leur présentons toutes nos excuses : notre collectif a fait ce qu’il a pu malgré les difficultés.

Nous ne pouvons que dénoncer ces attitudes de récupération auxquelles, par ailleurs, nous avons eu affaire dans le passé : ce fut le cas notamment en 2010 où nous avions vécu une tentative de récupération du rassemblement organisé par un collectif de nombreuses associations amazighes à l’occasion du trentième anniversaire du Printemps berbère à Paris.

Pour toutes ces raisons, Tamazgha annonce publiquement son retrait du collectif « Action pour la Kabylie ». En effet, nous ne pouvons cautionner des pratiques nuisibles à une action commune à laquelle nous avons très largement participé. Et nous ne pouvons continuer à appartenir à un collectif qui cautionne des dérives qui portent atteinte à l’action que nous voulions unitaire et rassembleuse et qui refuse de dire la vérité. Ceci étant, nous souhaitons bon vent à l’ApK et espérons qu’il saura mener d’autres actions en faveur de la Kabylie.

Nous tenons également à exprimer notre reconnaissance aux trois membres de la Coordination de l’ApK (Madjid Boumekla, Ahcène Azem et Masin Ferkal) qui ont démissionné parce que n’ayant pas convaincu la Coordination d’accomplir son devoir de Vérité. Nous saluons leur dynamisme et le travail qu’ils ont effectué au sein du collectif pour la réussite de la Marche du 12 mars, comme nous saluons leur devoir de clarté avec les personnes qui leur ont fait confiance. Ils l’ont exprimé dans une lettre ouverte dans laquelle ils ont manifesté leur fidélité à « l’esprit fondateur du Collectif qui se voulait d’action limitée ».

Tamazgha, quant à elle, reste convaincue que seul un mouvement d’ensemble, mené avec intelligence, pourrait aider la Kabylie à se sortir de cette crise. Et nous allons poursuivre notre combat, avec des acteurs fiables, loyaux et avec qui nous partageons les valeurs fondamentales comme le respect de la parole donnée.

Subséquemment, nous tirons les leçons des erreurs que nous ne devons plus commettre désormais.

Tamazgha,
Paris, le 26 mars 2023.

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Rédaction Kabyle.com
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