Idir, le ménestrel éternel

Je tiens à rendre un ardent et vibrant hommage à la figure de proue et emblématique de la chanson berbère qu’était Idir. L’Hamid Cheriet, né le 25 octobre 1949 à Aït L’Hacène, Ath-Yenni près de Tizi-ouzou (Kabylie) nous a quitté cette année 2020, le samedi 2 mai à Paris dans un contexte sanitaire et communautaire inqualifiable. 

Idir qui vivait loin de son pays kabyle a trouvé la voie de la chanson, nourri par les traditions et les mystères de la culture amazighe. C’est dans les années 70, alors qu’il étudiait en géologie et se destinait à une carrière dans l’industrie pétrolière algérienne qu’il est amené a changer de trajectoire et décide de s’investir dans la chanson.

Au printemps 1973, cheveux bouclés qui tombent sur les épaules et lunettes carrées, le jeune chanteur en herbe, «débarque» lors d’une émission de radio dit «Alger» en remplacement de la Diva Nouara qui était alors malade. 
C’est lors de cette émission de radio, portant un jean pattes d’éléphant et un burnous, qu’Idir se lance accompagné de sa guitare. 

Il chante pour la première fois sur les ondes une chanson intitulée «A vava inouva» (mon petit papa à moi) inspirée par le conte le Chêne de l’Ogre de Taos Amerouche, écrite par Ben Mohammed, qui devient un tube monumental. Cette chanson en duo accompagnée de plusieurs voix féminines va le propulser. Elle est considérée comme le plus grand tube venu directement d’Afrique du Nord.

Pour la toute première fois une musique en langue kabyle devient un tube planétaire. Elle sera traduite en quinze langues et diffusée dans 77 pays. L’arabisation forcée de Boumédiène et de ses successeurs en prend un sacré coup.

Idir deviendra bientôt l’une des grandes figures de l’identité amazighe, largement diffusé par les médias nationaux sans aucune entrave jusqu’à la chanson Muqlegh (J’ai observé).

Cette chanson a valu à Idir d’être totalement censuré. Il y évoque alors le nom du roi amazigh, l’aguellid Jurgurtha banni de l’histoire officielle.

Muqleγ tamurt Umaziγ

Yugurten walaγ uḍmik

J’ai observé le pays d’Amazigh

J’y ai vu ton visage

Contraint à l’exil en France, sa popularité ne cesse de croître pour autant. Il est déjà devenu un artiste planétaire, constamment en tournée à travers le monde, défenseur de l’identité culturelle amazighe au travers de ses prises de parole, de ses concerts. C’est ce qui compte pour nous, car il représente pour toujours l’affirmation, l’affermissement et l’étendard de l’identité amazighe, le retour à des sources, à des racines ancrées très profondément dans l’histoire de Tamazgha. 

C’est celui qui dans la chanson kabyle, a su mêler une musique folk moderne à des mélopées authentiquement kabyles, numides, parvenues depuis le tréfonds des âges. Idir ne brassait pas seulement les genres musicaux, il créait aussi des passerelles entre cultures, générations et identités… 

Il était devenu aussi un point de rencontre entre générations entre le Nord de l’Afrique et tout le pourtour méditerranéen, un vrai humaniste.

Sa production discographique bien que modeste a néanmoins beaucoup contribué au renouvellement de la chanson amazighe. Les Kabyles n’ont eu de pareille audience internationale. Il demeure avec Matoub Lounès le chanteur kabyle le plus connu du monde. Il s’est battu avec ferveur pour l’identité amazighe, valeur portée au devant par sa génération, comme Charles Aznavour pour l’Arménie. Ce sont des larmes intarissables qui émaneront de nous à chaque fois que nous évoquerons son nom.

Rachid DIRI

Rachid DIRI
Rachid DIRI
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2 commentaires

  1. « Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique. » Platon (philosophe grec antique)

  2. Merci Idir, je ne citerai que cette phrase du philosophe grec antique Platon :
    -« Ta musique a donné une âme à nos cœurs, et des ailes à nos pensées. »
    Repose en paix, que dieu prenne soin de ton âme.

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