Intimidations permanentes des Amazighs en Algérie

Le CMA appelle la Commission Européenne à assumer ses responsabilités concernant les graves violations des droits humains et des libertés en Algérie

Suite aux lettres adressées à l’automne dernier par le CMA aux instances internationales au sujet de la situation des graves violations des droits de l’homme en Algérie, le CMA a été reçu au début du mois de janvier 2020 au Haut Commissariat aux droits de l’homme à Genève et le 14 février à l’European External Action Service (EEAS) de la Commission européenne à Bruxelles. La délégation du CMA composée de Nadia Akkar et de Belkacem Lounès, a été reçue pendant plus de deux heures par les responsables géographiques et de la thématique droits de l’homme de l’EEAS.

Devant les responsables européens, les représentants du CMA ont d’abord rappelé que si le CMA a interpellé l’UE sur la situation grave qui prévaut en Algérie, c’est parce que l’UE et l’Algérie sont liées depuis 2002 par un accord d’association et que cet accord prévoit dans son article 2 que « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’Homme, tels qu’énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme, inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel de l’accord ». Autrement dit, cet article conditionne l’existence de l’accord d’association UE-Algérie.

Les délégués du CMA ont clairement exprimé leur incompréhension et même leur contrariété et leur déception du fait que l’UE ne fait pas respecter cet article par son partenaire algérien. En conséquence, ils ont renouvelé la demande du CMA de suspendre l’accord d’association UE-Algérie jusqu’à ce que l’Algérie donne au moins des signes concrets et réels de bonne volonté en matière de démocratie et de respect des libertés et des droits humains.

Les représentants de l’UE ont alors expliqué qu’ils sont conscients de la situation mais qu’ils ont décidé de maintenir cet accord afin d’avoir la possibilité de « dialoguer » avec l’Etat algérien dans le but de l’amener à faire des progrès en matière de « respect des principes de bonne gouvernance, de démocratie, de décentralisation, de respect des droits et des libertés ».

Les délégués du CMA ont répondu qu’ils comprennent bien cette « stratégie du dialogue », mais force est de constater que près de vingt ans après, cette stratégie est un véritable échec. L’Etat algérien n’a jamais fait la preuve de sa volonté de respecter un tant soit peu les principes démocratiques, les libertés et les droits humains. L’UE ne peut donc pas continuer à poursuivre cette stratégie sans issue. Les représentants du CMA ont ensuite rappelé quelques cas récents de sévères exactions commises par les autorités algériennes en toute impunité, particulièrement à l’encontre des Amazighs de ce pays et notamment des Kabyles.

En mai 2019, Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits humains est mort en prison, son avocat, Maitre Dabouz, a été mis sous contrôle judiciaire, puis poignardé en pleine rue à Ghardaya par des « inconnus ». De manière arbitraire, des dizaines de Mozabites demeurent en prison et d’autres exilés à l’étranger. Plusieurs dizaines de personnes ont été jetées en prison depuis le mois de juin dernier juste pour avoir porté le drapeau amazigh, des citoyens de confession chrétienne sont persécutés, leurs lieux de culte fermés, des défenseurs des droits et des libertés harcelés et criminalisés, le code de la famille qui institue l’inégalité homme-femme est toujours en vigueur, des dizaines de Kabyles sont privés de leurs passeports, etc.

Les délégués du CMA ajoutent : « Tous les membres de notre organisation en Algérie subissent des intimidations policières, judiciaires et administratives permanentes dans le but de leur faire abandonner leurs activités de défenseurs des droits des Amazighs. Face au harcèlement quotidien dont il était l’objet et pour échapper à la prison, Hamou Chekebkeb, membre du Conseil Fédéral du CMA, a été contraint de quitter clandestinement l’Algérie en juillet dernier pour se réfugier à l’étranger ».

Le gouvernement algérien continue de pratiquer une gouvernance et une gestion de l’Etat largement archaiques et antidémocratiques, basées sur le clanisme, le clientélisme, la corruption, l’abus de pouvoir, l’inféodation de la justice au pouvoir exécutif, l’islamisme étatique, les interdits et la répression des libertés, etc.

C’est dans ce contexte que l’armée a imposé une pseudo-élection présidentielle le 12 décembre dernier afin de maintenir un système politique sur le même mode de corruption et de répression. La Kabylie qui a toujours refusé de prendre part aux mascarades électorales algériennes, a répondu cette fois-ci par un cinglant et historique zéro vote. Plus de deux mois après ce « référendum Kabyle » qui a exprimé à l’unanimité la défiance du peuple Kabyle vis-à-vis du système algérien, le gouvernement n’a encore formulé aucune proposition allant dans le sens de la résolution du différend politique qui l’oppose aux Kabyles en particulier et aux Amazighs d’Algérie en général.

Les conséquences du chaos politique algérien se sont déjà faites sentir et vont rapidement s’aggraver : baisse de l’activité économique, dégradation des conditions de vie, instabilité sociale et exil. Cela affectera immédiatement et immanquablement les pays de l’Europe, notamment par un afflux de nouveaux réfugiés.

Les délégués du CMA ont tenu à alerter leurs interlocuteurs sur ces dangers et mettre en garde l’Europe et les Etats qui la composent sur le fait de ne pas cautionner le régime algérien et sa politique désastreuse et de ne pas être les complices de la dictature militaire algérienne qui agit désormais à visage découvert.

Les membres de la délégation du CMA ont insisté sur le fait que l’Union Européenne doit peser de tout son poids économique et politique pour aider à mettre durablement l’Algérie sur la voie de l’état de droit. L’UE et la communauté internationale ne peuvent pas admettre l’hypocrisie algérienne qui consiste à ratifier les textes du droit international relatif aux droits de l’homme et même à prendre l’initiative de présenter le projet de déclaration de la « journée internationale du vivre ensemble en paix » tout en bafouant les droits humains, les libertés et les valeurs de respect de l’Autre. Aider l’Algérie, c’est mettre les autorités algériennes devant leurs responsabilités et exiger d’elles le respect de leurs engagements internationaux, de manière ferme et sans aucune forme de complaisance.

En conséquence, les délégués du CMA ont réitéré leurs demandes de suspendre immédiatement l’accord d’association UE-Algérie et d’exiger du gouvernement algérien :

– la libération de tous détenus politiques et de réparer les préjudices qui leur ont été infligés,

– de mettre fin aux violations des droits humains et des libertés fondamentales,

– l’ouverture de discussions entre le gouvernement algérien et les représentants de la Kabylie en vue de faire accéder la Kabylie à un statut particulier à définir, seule option pouvant garantir un avenir de paix, de stabilité et de progrès pour tous.

Bruxelles, 14 février 2020

Compte rendu rédigé par le secrétariat du CMA.

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