« Chez ces gens-là, on ne pense pas »

Il a voulu quitter ce train qui prenait le chemin inverse de toutes ses attentes, cet itinéraire balisé, tracé d’avance.

Il avait voulu quitter ce rafiot craquant, qui prenait l’eau de toutes parts et où la multitude, gavée de foi, de promesses et de dogmes se cantonnait dans l’hébétude et l’abrutissement.

C’est comme un acte de résistance : il voulait changer de peuple. Et de Dieu. Dire d’ autres mots de prières, faire d’autres gestes, prier le Ciel pour espérer s’élever, prier sans s’agenouiller, prier sans baiser terre.

Il voulait tenter autre chose. S’engager sans peur. Vivre sa foi différemment. Retrouver un Dieu authentique, bénin et magnanime : Le Dieu de ses aïeux. Une foi pratique, accessible, compréhensible, malléable, sans dirigisme spécial, sans rigorisme. Parce qu’ Allah, tel qu’on le lui apprenait aujourd’hui, était tellement à l’opposé de sa lucidité et de ses convictions !

C’est peut-être à cause de tous ces nouveaux prophètes qui, persuadés d’être les mandataires d’ Allah le consommaient à grands risques et le traînaient comme une dangereuse addiction, un neurotoxique, une drogue hallucinogène , une ivresse mystique ou une arme de destruction massive qu’ils lançaient, comme des obus, contre le peuple ingénu.

C’est aussi à cause de tous ces simples d’esprit, ces capons qui avouaient à chaque difficulté, à chaque souci, à chaque mauvais pas qu’ils n’attendaient rien de personne, pas même d’eux-mêmes mais qu’ils s’accrochaient seulement à Allah. II imaginait alors Allah avec un qamis lacéré, déchiqueté par tous ces individus qui s’agrippaient lourdement et désespérément à LUI en saisissant qui, son habit, ses manches de qamis, ses pans de robe, qui, ses pieds ou ses poignets pour s’y accrocher et ne pas tomber de haut.

Et il avait mal au coeur, mal à l’âme, pour Allah empoigné comme on arrête un criminel ou un instigateur, Allah traîné dans la boue et implicitement accusé de maltraitance.

C’est aussi à cause de ces autres qui, eux s’accrochent aux privilèges et utilisent Allah pour terrifier les masses et les empêcher de réfléchir. A cause de ces prêches interminables, de ces hommes qui pleurent quand ils écoutent le coran.

Lui, il pleurait de rage et d’ indignité. De honte d’ appartenir à cette masse ignare !

C’est aussi à cause de ces énergumènes à la pensée sclérosée, à la parole rapide. Celui-là promet qu’il ne mangera pas le poisson attrapé. Il le jure par sa vie et celle de ses enfants, qu’il le gardera, qu’il le conservera, qu’il le momifiera. Parce que dans les yeux de la raie était écrit  » Allah « . Comme dans le ciel d’Alger en 2011.

Moi, je jurerais qu’il faudrait juste des séances de psy pour ce peuple écervelé. Ce peuple indolent, apathique face à l’ennui et aux longueurs des journées.

Mais lui était pressé. Il souhaitait un destin plus fiable, un peuple souverain.

Il cherchait donc un antidote. Une bouée de sauvetage. Une lueur au bout du tunnel.Il voudrait entrer en résistance, trouver un autre Dieu si possible ( Car il ne pouvait pas vivre sans Dieu), un être de lumière, un Seigneur juste à aimer et à remercier pour la vie qu’IL avait mis en lui et les immenses capacités qu’IL lui avait données : la capacité d’agir, de réagir, d’entreprendre, d’exécuter, de réfléchir et de réaliser. La capacité d’aimer, de procréer, de haïr, de s’attendrir ou de s’endurcir. Et d’en assumer la responsabilité ou la culpabilité.

Parce qu’il était contre toute forme d’assistance, toute forme de déni de responsabilité qui encourage l’inertie et l’anarchie et qui réduit l’individu au rôle de simple témoin de sa vie, de sa réalité.

J’appris bien tard que le tribunal a jugé que le chrétien arrêté, était jugé et condamné seulement parce qu’il s’était converti au christianisme.

Oui, la vie est belle. Allah est grand. L’homme est abracadabrant.

Katia Bouaziz
Katia Bouaziz
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