Aziz Tari : « Rien ne m’arrêtera de manifester pour ma Kabylie »

Aziz TARI, ancien détenu politique en 1980 et 1981 a été arrêté et séquestré toute la journée du 12 janvier à Bgayet par la police coloniale algérienne. Voici son témoignage.

Rien ne m’arrêtera de manifester pour ma Kabylie.

C’est la deuxième fois que je suis arrêté en moins de deux mois pour les mêmes raisons, de la même manière et avec les mêmes méthodes. Cette fois ci c’est pour répondre à l’appel de manifester à l’initiative du MAK pour le 12 Janviers, le jour de Yennayer, notre nouvel an kabyle et Amazigh. Le 20 Novembre c’était pour la libération de Merzouk Touati.

Cette répression massive et en amant du lieu de rassemblement et de l’heure du rendez-vous est une opération bien orchestrée pour nous empêcher de manifester. Les rafles massives (plus de deux cents arrestations) depuis la gare routière, sur les artères des grands axes et aux abords de l’université, sur les routes nationales à la sortie des petites villes des barrages sont érigées pour arrêter ceux qui sont susceptibles de venir manifester. C’est un délit de faciès identitaire, c’est une répression politique ciblée, une atteinte au droit de circuler, et une atteinte grave au droit de manifester.

Encore une fois en moins de deux mois la ville n Bgayet et la Kabylie toute entière a été le théâtre d’une répression sans précédent, une répression passée sous silence. On peut aujourd’hui réprimer en Kabylie sans pour cela ça soulève une indignation, ni aucune réaction comme si cela est un fait admis. C’est devenu un non évènement. Le pouvoir a réussi, pour le moment, à contenir notre colère et la retourner contre nous.

Cette répression répétitive ne peut que déclencher notre colère et susciter en nous ce sentiment de radicalisation face à ceux qui nourrissent le sentiment de haine envers la Kabylie. Ce climat macabre dans lequel on est condamné à subir les assauts répétés au nom d’un racisme politico-idéologique pour nous réduire au silence ne peut que déclencher un processus de violence légitime. Cet acharnement contre la Kabylie ne peut que renforcer notre droit à la souveraineté comme peuple et territoires, un courant pour lequel j’y suis profondément attaché depuis des décennies.

Ma Kabylie est martyrisée, outragée, violentée, saignée, blessée, traumatisée, salie, profanée, dépossédée, trahie et occupée. Voici les mots qui résument mon état d’esprit pendant mon arrestation pour la deuxième fois en moins de deux mois. Je me sentais plus que jamais basculer vers un non retour et tourner le dos pour ne plus regarder derrière. C’est une humiliation de trop pour moi et pour les centaines de gens arrêtés. C’est aussi ma fierté de leur exprimer que je suis toujours la et qu’ils me trouveront toujours sur leur chemin.

La situation dans laquelle est ma patrie aujourd’hui, je dirai avec gravité, elle est dramatiquement dangereuse, complexe et compromise. La Kabylie traverse et nous avec une période terrible de son histoire dans un contexte de chaos organisé où tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce bout de terre un no man’s land dans tous les domaines de la vie et de l’existance humaine. Un désert où rien ne pousse ni émerge, ni prend racine pour retenir la terre, notre terroir sur lequel notre mémoire collective puise ses éléments pour sa survie.

Ils, ceux qui ont toujours tous les pouvoirs absolus entre leurs mains et ce depuis 1962 et même avant par leur contre révolution, dans un processus sans relâche d’une politique de répression agressive idéologiquement et institutionnellement par ses moyens mis en œuvre, une politique de dépossession par l’expropriation à tout accès à nos choix et décisions sur notre devenir dans nos territoires, par une politique de déstructuration de toutes les assises structurelles et de démolition de tous les fondements de notre patrimoine matériel et immatériel hérité, une politique de la terre brulée, un domaine dont ils excellent et sont prêts à faire de la Kabylie Kaboul de l’Algérie, une zone de non droit.

La répression de la manifestation du 12 Janvier est un acte volontairement criminel, un acte odieux que seuls des despotes ou des tyrans sont capables de cette œuvre contre un peuple qui ne cadre pas avec leur projet fasciste vue leur volonté d’éradiquer toute différence (identitaire, culturelle, religieuse), un acte de purification ethnique, un crime de guerre contre notre peuple.

La Kabylie et notre peuple Kabyle subissent la pire répression et une offensive sans précédant pour la réduire à néant pour qu’elle reste sous tutelle du pouvoir central et vivre sous perfusion, un gout à gout qui nous maintient en vie. L’espoir ne reste que dans cette jeunesse qui a bradé l’interdit avec courage mais décidée à en découdre. J’ai partagé avec eux ces moments de combat, comme dans mes conférences, je suis avec eux qu’ils soient étudiants ou jeunes dans nos villages.

Au moment où nos élus en Kabylie organisent les festivités de Yennayer officiel par coup de milliards, notre jeunesse est dans la rue, réprimée et à qui on a interdit le droit de se réapproprier leur Kabylie. C’est le constat de cette journée et se résume entre ce face à face permanent avec le pouvoir, et le contraste entre la Kabylie officielle et normalisée avec la Kabylie résistante qui ne plie pas mais qui s’affirme toujours et de jour en jour comme la seule voie pour se libérer.

Je marcherai toujours avec les jeunes à leurs cotés, je marcherai toujours pour ma Kabylie, je marcherai toujours pour ma dignité et ma fierté d’être Kabyle.

Vive la Kabylie

Pour la souveraineté du peuple Kabyle

Pour la liberté

Aziz TARI

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