Algérie : les faits marquants du mouvement de protestation

Algérie – La vague de contestation qui a secoué la scène sociale et politique en Algérie depuis le 22 février 2019 suite à l’annonce de la candidature du Bouteflika pour le 5ème mandat a surpris l’opinion publique nationale et internationale et a surtout pris de court un pouvoir très confiant qui a surestimé la patience d’un peuple plongé dans la soumission et la passivité pendant de longues années à l’exception des Kabyles qui ont payé le prix fort lors du soulèvement en 2001.

L’effet surprise

Les observateurs y compris les politiciens les plus assidus estiment que le pouvoir algérien ne s’attendait pas à ce qu’il y ait une opposition de cette ampleur de la part de la population jugée anesthésiée.
Un autre fait inattendu, le caractère pacifique. Les manifestations se déroulent jusque-là dans une ambiance festive et très sereine sans incidents majeurs et surtout sans répression ni violence de la part des forces de sécurités algériennes. Cela va jusqu’à alimenter des suspicions chez les plus sceptiques quant à la spontanéité du mouvement.

Absence de structuration, les politiques effacés

Il est difficile de parler des premiers initiateurs qui ont appelé à la protestation, l’élément déclencheur est bien l’annonce de la candidature de Bouteflika pour briguer un 05 ème mandat malgré son indéniable inaptitude, cela a été vécu comme une humiliation de trop par le peuple algérien.

Le détonateur commun a donc générée une réaction collective au sein de la population et dans ses différentes sensibilités avec un une seule revendication, la rupture radicale avec le régime qui règne depuis l’indépendance.

Les partis politiques toutes tendances confondues y compris ceux qui gouvernent sont anéantis voire même contaminés par les pratiques du système et ne disposent pas d’encrage crédible au sein de la société civile, ce mouvement leur a échappé et nous avons assisté à l’effet inverse, l’élite politique répond à l’appel du citoyen pour investir la rue, les figures politique les plus connues pour leur connivence avec le pouvoir ont été même refoulées et chassées lors des marches précédentes.

A ce jour, le mouvement n’est pas représenté ni structuré, certains trouvent cela comme point fort car l’émergence des têtes serait une brèche ouverte pour la manipulation et la récupération d’autant plus que le régime algérien est bien expert en la matière.

L’impact des réseaux sociaux

La révolution numérique et le phénomène des réseaux sociaux n’a pas épargné l’Algérie, l’accès à la parole et à l’information n’est plus régie par les règles anciennes et obsolètes où les pouvoirs sont les seuls maîtres à bord, comme partout dans le monde, le contrôle et la diffusion de l’information ne relève plus du monopole de l’état , le citoyen lambda semble reprendre une partie de ses droits avec l’accès aux réseaux sociaux. Les premières réactions à l’annonce de la candidature de Bouteflika suivies des appels à la première marche du vendredi 22 février 2019 se sont propagées comme une trainée de poudre sur différentes plates formes numériques, cela rappelle le lancement du mouvement des gilets jaunes en France.

La réussite de l’acte n° I ou la première manifestation, n’a fait qu’amplifier la mobilisation qui, depuis ne cesse pas de grossir les rangs et les carrés des marches avec l’adhésion et l’intégration de toutes les catégories d’âge et sociales, femmes, enfants, étudiants, avocats, médecins, tous dans le même wagon. Le partage sur la toile des vidéos des internautes les plus connus aux plus de ceux qui appellent à la mobilisation pacifiste et à la vigilance ainsi que les moments vécus pendant les marches n’a fait que renforcer la symbiose qui reste jusqu’ à présent un ingrédient de plus qui surplombe encore la dynamique citoyenne.

La Kabylie entre adhésion et méfiance

Les principales grandes villes de Kabylie à l’image de Tizi Ouzou, Bejaia et Brouira ont pris part aussi aux manifestations qu’a connues l’Algérie depuis le 22 février sans pour autant drainer une marée humaine si on les compare aux mobilisations historiques du printemps noir de 2001.

La Kabylie a le plus souffert de la politique ségrégative et revancharde du régime algérien qui a toujours fait payer la région pour sa rébellion et sa non complaisance avec tous les clans qui ont succédé à la tête du pouvoir. Le prix est certes fort, pour rappel en 2001, 128 de ses enfants tués à fleur d’âge et les manifestations ont été réprimées par des services de sécurités qui avaient, rappelons-le, adopté une attitude violente hors du commun qui n’a rien de commun avec le calme et la sérénité dont ils gèrent jusque-là les événements actuels.

Ajouté au sang versé de ses enfants, la Kabylie a subi aussi en forme de représailles, le sous-développement contrôlé accentué notamment durant le règne de Bouteflika en la privant de tout investissement qui pourrait sortir la région de son marasme économique.

En tant que bastion de toutes les luttes, en réalité, la Kabylie sur le fond, ne peut que se réjouir de ce soulèvement inédit contre une gestion mafieuse de l’Algérie depuis l’indépendance, mais les opinions des Kabyles sont partagées y compris dans les rangs des souverainistes qui estiment que la chute du régime n’est pas une sortie définitive du tunnel et que la Kabylie n’est pas concernée et quel que soit l’aboutissement ou l’issue de ce mouvement, la région devra rester vigilante pendant et après ce mouvement. Un autre sentiment que partagent beaucoup de Kabyles y compris ceux qui soutiennent le mouvement de contestation, le fait que la Kabylie était toujours abandonnée à son propre sort et n’a bénéficié d’aucune solidarité de la part des autres régions d’Algérie quand elle a prôné la lutte contre le pouvoir et pour le changement en Algérie . En revanche, d’autres Kabyles pensent que la chute du régime politique actuel permettra à la Kabylie d’espérer un avenir meilleur.

Lyazid Chikdene