40 ans d’indépendance : Faisons le bilan et devenons sérieux !

Jusqu’à présent, la revendication culturelle ou linguistique amazighe a été un « mal » gérable par le pouvoir et la population algérienne tant qu’elle demeure intégrable dans la sphère civilisationnelle arabo-islamique, c’est à dire tant qu’elle s’exprime à la manière arabo-islamique et sous l’autorité morale et religieuse arabo-islamique.

Ainsi, les Kabyles ne sont en fait que de banals opposants politiques beaucoup plus soucieux de la démocratie en Algérie que de leur réelle condition de Kabyles.

Au même titre que les islamistes revendiquent un état franchement islamique, les Kabyles revendiquent un état (le même) franchement démocratique.

La démocratie pour tous est plus importante à leurs yeux que leur propre existence en tant que peuple, ethnie et culture.

Ils sont encore convaincus d’appartenir à un grand peuple algérien, une grande nation héroïque et à un pays important et riche.

Un pays qui se cherche et qui se construit.

Un pays qui finira par dépasser ses querelles internes.

Un pays qui finira par virer les dictateurs.

Aucun kabyle ne pense que l’Algérie est accomplie.

Elle a accompli le projet de société qu’elle s’était donnée.

Les islamistes ne demandent que son perfectionnement.

Aucun kabyle ne pense que l’Algérie est dans son « état naturel de stabilité ».

Sa nature arabo-islamique fonctionne enfin à plein régime.

Elle n’est perfectible que dans le sens islamique comme le proposent Ali Belhadj, Djaballah et Abbassi.

Seuls les Kabyles espèrent encore « un pet du cadavre étendu », selon l’adage kabyle justement.

La cupidité et la lâcheté des kabyles sont plus fortes que leur supposé « nnif ».

La réalité est que le peuple kabyle n’a pas grande estime de lui-même.

Il ne se juge pas assez méritant, ni assez important, ni même assez compétent pour jouir de la liberté d’être.

Totalement soumis à la civilisation arabo-islamique, il demande à la tutelle de le reconnaître comme partie « tolérable » par la civilisation la culture dominante uniquement parce qu’il la sert sans autre condition et parce qu’il se montre pacifique envers elle.

Le thème du pacifisme omniprésent dans le discours des élites kabyles est révélateur en cela.

Ce message de peuple pacifique, tolérant et coopératif aurait sa signification réelle et sincère s’il s’adressait à une culture, à une civilisation qui connaît et pratique ces valeurs.

De la bouche des kabyles, adressé au pouvoir et au peuple arabo-musulman algériens, cet appel incessant ne peut être interprété que comme un message de soumission.

C’est pour cela que, de temps en tant, un intellectuel, un politicard, un officiel arabo-musulman tâte le pouls de la rue kabyle et lance sa ligne, histoire de voir la réaction des ces « farouches combattants de l’amazighité ».

Ce contrôle régulier est perçu par les kabyles comme de la provocation ou du dénigrement, alors qu’en fait il s’agit pour la culture arabo-islamique, absente dans la société kabyle, de vérifier que le peuple kabyle est toujours sous son emprise.

L’élite kabyle les rassure toujours.

Le dialogue est permanent et prend parfois des allures burlesques :

  • 1980, les kabyles manipulés par la France ont brûlé le « mas’haf » et le drapeau ! Écrivit un torchon gouvernemental arabo-islamique.
  • Manipulation ! Protestèrent les élites kabyles. Nous aimons ce drapeau qui nous nie et nous respectons ce « mas’haf » qui nous soumet.
  • Tant mieux, pensent les « arabo-machins », l’essentiel est sauf. Tout le reste, bah !
  • Les kabyles veulent un état, murmure la rue arabe dans les bus et dans les hammams.
  • Foutaises ! s’exclame l’élite kabyle, nous demeurons fidéles à l’État jacobin arabo-islamique.
  • Les kabyles veulent tamazight qui est même pas une langue, hasarde un intellectuel officiel de la RADP.
  • « Ji ti jire qu’ ci une langue », assurent les élites kabyles. Nous voulons aussi l’arabe et toutes les langues populaires. Et nous restons des « mizilmans ».
  • Rien à craindre, se dit l’officiel, il jouent à pile et face croyant que leur pièce finira par tomber à la fois sur pile et sur face. Laissons les jouer. Ils seront occupés longtemps.
  • Tel leader kabyle est un traître suppôt de l’occident, martèle un président hors service.
  • « Non ! Non ! » S’écrient en chÅ“ur les élites kabyles. « C’est un nationaliste, patriote qui aime son pays arabo-musulman et qui veut du bien à tous les algériens. Il a combattu la France, c’est un héros ! Nous avons donné des « chouhadas » plus que le reste de l’Algérie ! S’il vous plait, laissez nous encore être un peu des algériens kabyles ! Pitié, si vous plait !! »
  • « Ok, ces idiots son encore idiots ! y a rien à craindre d’eux », se dit le provocateur dans sa sénilité profonde.
  • « Les kabyles sont des « kouffars » qui boivent du vin en famille », dit la vox populi arabo-islamique.
  • Non ! Non ! S’écrient les élites kabyles en chÅ“ur. Nous sommes de bons musulmans. Nous avons une mosquée dans chaque village. Nous les construisons tous seuls, ces mosquées, avec nos sous, sans aucune subvention de l’état. Nous avons fourni les meilleurs théologiens de l’islam, les meilleurs prêcheurs, les meilleurs chouyoukhs, les meilleurs défenseurs de la langue arabe. Nous sommes des algériens ! Nous sommes des algériens ! Nous sommes des patriotes !
  • Tant qu’ils ne contestent pas l’essentiel, laissons-les gesticuler, se dit la vox populi, rassurée.
  • Les kabyles sont des juifs ! dit un arabiste, feignant l’énervement.
  • Non ! Non ! rouspètent les élites kabyles. Nous n’avons rien à voir avec les juifs. C’est les arabes qui sont les cousins des juifs. Nous, on est de bons musulmans, plus musulmans que les arabes, qui sont d’ailleurs nos frères, même s’ils sont les demi-frères des juifs. On n’est pas raciste, nous !
  • Tant mieux, se dit l’arabiste. Tant qu’ils ne balancent pas du coté de nos ennemis séculaires, y a rien à craindre dans la baraque.
  • Tel chef kabyle est un chrétien croisé ! Crache un gourou islamiste.
  • Quel scandale ! s’écrie le chef lui-même. Je suis un authentique musulman de père en fils depuis Okba et même bien avant, peut être depuis Massinissa. Je suis de famille musulmane honorable et je n’ai de leçon d’islamité à ne recevoir de personne.
  • Nos vassaux sont entre de bonnes mains ! Nous avons encore de beaux jours devant nous ! Y a même pas besoin de leur faire payer la dhimma ni la djizia, pense le gourou, en se frottant les mains.
  • Par allah ! S’écrient les électeurs arabo-musulmans lors d’un scrutin célèbre, nous instaurerons un état islamique où le coran sera seule constitution !
  • Mais non ! Mais non ! Répliquent les élites kabyles ! Vous dites ça seulement sous l’effet de la colère ! Nous savons que vous êtes au fond de fervents démocrates ! Tenez, on va vous aider à construire un état de droit, démocratique et moderne, où la laïcité et l’islamisme cohabiteront, l’arabe et Tamazight se côtoieront, le qamis, la cravate et le hidjab se frôleront, la charia et le droit positif régneront, la nuit et le jour se superposeront…
  • Vous ne perdez rien pour attendre, bande d’occidentalisés croisés ! Se disent les électeurs, dans leur barbe.
  • Et par la volonté d’Allah, nous iront faire le djihad en Kabylie ! Vocifère un islamiste dans un stade bondé.
  • « Hey ! Mollo ! » Répliquent les élites kabyles ! « On est des algériens, nous, des musulmans et des patriotes ! S’il vous plait, allez faire votre djihad ailleurs ! Allah n’a-t-il pas dit que le djihad contre les musulmans est illicite ? »
  • Ouf ! Soupire l’islamiste de service, un moment j’ai eu peur qu’ils répondent : chiche ! Venez donc, on vous attend de pied ferme !
  • « Les kabyles sont contre l’arabe, la langue sacrée du coran ! » Déclare un ambassadeur baâthiste.
  • « Nous ne tolérons pas ce genre d’accusation ! » S’indignent les élites kabyles. « Nous défendons toutes les langues du peuple ! Regardez donc, les meilleurs arabisants sont des kabyles ! Les plus grands défenseurs sincères de l’arabe sont des kabyles. Nous ne permettons pas qu’on doute de nous. Nous voulons juste ajouter tamazight à coté de la vénérable langue arabe, dans un souci de justice et de droit. Nous sommes pour la totale symbiose entre l’arabe et tamazight. Tamazight et l’arabe appartiennent à tous les algériens. Nous sommes tous des imazighen, nous sommes tous des arabes, nous sommes tous des musulmans, nous sommes tous les enfants de cette terre sacrée, belle et riche, douce et accueillante. Vivons en paix dans la fraternité et la tolérance ! »
  • « Ok, ok ! gentils toutous », note le plénipotentiaire de pacotille, « c’est bien, mais faudrait faire mieux la prochaine fois ».
  • « Les kabyles portent atteinte à l’unité nationale ! » Se plaint le ministre de l’Unicité et de la Phagocytose.
  • « Nous nous insurgeons », protestent les élites kabyles ! « Tant de fois nous avons mis en veilleuse nos timides revendications dans l’intérêt national. Nous vous assurons que nous protégeons les intérêts supérieurs de la nation arabo-islamique autant que vous, si ce n’est plus. »
  • « Bien, bien ! On est presque arrivés au but », remarque le ministre de mes deux. « Si on met un peu plus de pression, ils mettront leurs revendications en veilleuse pour toujours ».
  • « Les kabyles sont violents, méchants, terroristes et casseurs », accuse la demi portion de président.
  • « Nous protestons vigoureusement », s’écrient les élites kabyles. « Nous sommes des pacifistes. Nous sommes des légalistes. Y a jamais eu de terroristes ni parmi nous, ni parmi nos honorables concitoyens d’ailleurs. On ne sait pas qui tue, mais c’est les services qui tuent. Pour la casse, c’est juste parce que nous, les élites, on était pas là. On était pris dans un embouteillage et on n’a pas eu le temps d’intervenir. De toute façon, nous présentons toutes nos excuses ».
  • « C’est bien ce que je me disais », marmonne la demi portion de président, « ce sont que des nains et des chats miauleurs ».
  • « Les kabyles sont de dangereux séparatistes, qui veulent diviser la patrie, le peuple et la rente », déclare solennellement un écrivain aux écrits vains.
  • « Y a erreur ! » Répondent les élites kabyles. « Nous ne lâcherons pas un centimètre carré de notre chère patrie arabo-musulmane. Nous voulons juste décentraliser un coup, histoire de gérer nous même nos dividendes locaux et papoter un peu dans VOS tribunaux en tamazight. Dailleurs, nous réclamons cette régionalisation-refondation bienfaitrice pour toute l’Algérie, notre beau pays plein de soleil et d’amour, plein de richesses et d’hommes de valeur. »
  • « Tiens, ils ont oublié leur litanie sur tamazight », s’étonne l’écrivain public arabophone. « Pour la décentralisation, ils auront que dalle, mais laissons les rêver ».
  • « Les autonomistes sont les fossoyeurs de la fière Algérie héroique unie et indivisible », assène la classe politique pourrie.
  • « N’écoutez pas ces énergumènes, conseillent les élites kabyles. Ils ne représentent que leurs personnes. Y a pas de danger de ce coté, mais si vous êtes quand même inquiets, on pourrait leur administrer une bastonnade, histoire de freiner leur ardeurs. Nous nous en occupons, et surtout, n’intervenez pas vous mêmes ».
  • « Pas la peine de discourir autant », réplique la classe politique ripoux, « vous nous avez appris ce que nous voulions savoir, fermez-la maintenant ».
  • « Oui Missiou, naâm sidi », rassurent les élites kabyles en faisant des courbettes.

Dites moi mes amis, qui donc prendra au sérieux, en ce monde qui n’écoute que les gens décidés et efficaces , les revendications des kabyles ?

L’histoire s’arrêtera-t-elle avec le MAK? Y-aura-t-il quelqu’un enfin pour répondre « ccah! » à l’arabo-islamisme et le contrarier?

Ariless

Rédaction Kabyle.com
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